– Non, non et non ! Tu as dépassé les limites kabylement acceptables pour fonder un foyer. Je t’ai trouvé une femme, la femme qu’il faut.
-Mais na Sadiya&hellip,; proteste Da Militant
-Ulac mais !. Va te préparer, nous partons dans une heure.
– Partir où ? Avec qui vous allez me marier, ya din n uqabac ?
– Dada-k Rezki, Kaci l’Angoisse et moi avons tout prévu. Fais-nous confiance.
Près d’une heure après, ils se retrouvent embarqués dans afurgu de L’hocine la Tige, l’incontournable clandestin d’At Rgad. En court de route, Sadiya se décide enfin à briefer le célibataire endurci : «T’inquiète pas da Militant. Tu ne penses tout de même pas que je ne te veuille pas du bien. La fille qu’on va voir est en fait ma nièce. Elle habite Meliana, dans la wilaya d’Aïn Defla. Elle est belle, de toute façon plus belle que toi. Elle n’est pas très jeune, mais rassure-toi Drifa, c’est comme ça qu’elle s’appelle, est plus jeune que toi».
15 heures, la canicule ne lâche toujours pas. Cela fait deux heures que afurgu est coincé sur le tronçon autoroutier Palestro – Taliouine. Kaci l’Angoisse ne put s’empêcher de hurler : «Wa Ghoul, traficote-nous une autoroute dans le tourisme, tu fais tellement bien les choses !»
L’hocine la Tige refuse le diktat de l’autoroute. Il sort du bitume et emprunte une piste. La route est un désastre, mais ça roule quand même. «Ne vous inquiétez pas, à peine une dizaine de kilomètres à parcourir encore». Il est 19 heures passées et afurgu n’est pas arrivé au terme de la dizaine de kilomètre promis par La Tige. Le paysage boisé et désert ne rassure pas les At Rgadiens. Et manque de pot : crevaison. Afurgu se range sur le bas-côté. Sadiya et le Vieux Dezdeg profitent de cette halte obligée pour se dégourdir les jambes, pendant que les autres s’occupaient de la roue. Le soleil décline franchement. Brusquement, surgissent d’un maquis, quatre barbes et quatre kalachnikovs.
– La tataḥeraku !, menace de son arme celui qui a l’air d’être le chef
– Il ne manquait plus que vous, susurre Sadiya
– Man antum wa min ayna ataytum ?
– D acu (quoi) ?, demande Dezdeg
– La tefhamun lughatu el quran ? inahu itmun aḍim !
– Il ressemble à ce barbu que l’on voit toujours à la télévision, trouve Sadiya
-Mada taqulin ayatuha el aâjuza ?
-Nek ur fhimegh ara acu d-teqqareḍ, maâna hedregh cituḥ, tameslayt n Benghebrit. Ih, cuf, ya bu čamar, ma txewfunic. La kuntu rjal rmiw slaḥ taâ-kum, ar waḥu n weri-lkum yemma-s-nni n yimma-k (je ne comprends pas ce que tu dis, mais je parle un peu la langue de Benghebrit. Ecoute barbu, tu ne me fais pas peur. Si vous êtes des hommes jetez vos armes…)….
Dezdeg craignait le pire, il essaye de calmer Sadiya. En vain. Personne ne pouvait arrêter sa diatribe. Au moment où le barbu en chef pointe son arme sur Sadiya, le vrombissement d’un convoi militaire se fait entendre. Les quatre barbus et leurs quatre armes ravalent leur courage, prennent leurs jambes à leurs cous et s’enfoncent dans les bois.
T.O.A
t.ouldamar@yahoo