Ça grogne déjà à Béjaïa !

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La semaine dernière, un certain nombre d’enseignants de la faculté des sciences se sont regroupés à l’intérieur de l’enceinte de l’université de Béjaïa pour protester contre le transfert de la faculté des sciences de Targa Ouzemmour, vers le nouveau campus universitaire d’Amizour.

À ce regroupement, le nombre d’enseignants présents n’était pas important. Djoudi Touazi, lui-même enseignant dans cette faculté joint par téléphone, nous a affirmé que la plupart d’entre eux étaient encore en vacances. C’est pourquoi le rendez-vous a été reporté à avant-hier, jour de la rentrée, où les enseignants allaient se présenter pour signer le PV de reprise. Il s’agit pour eux de dénoncer le transfert de la faculté des sciences qui se situait à Targa Ouzemmour vers le nouveau campus d’Amizour qui va ouvrir ses portes à l’occasion de cette rentrée universitaire. Questionné sur les raisons de cette grogne, Djoudi Touazi a avancé plusieurs raisons. D’abord, les conditions de réception du nouveau Campus ne seraient pas au rendez-vous : «pas d’électricité pas de gaz, pas de VRD, pas de sécurité pas de clôture et aucun laboratoire ne serait prêt à accueillir les étudiants». De plus, toujours selon notre interlocuteur, «ce campus était prévu pour accueillir la faculté de droit, et non celle des sciences». C’est pourquoi il estime qu’il est nécessaire de sensibiliser l’ensemble des enseignants pour refuser et rejeter cette décision de délocalisation de leur faculté vers Amizour.

Réaction du recteur

Rencontré avant-hier à Amizour, lors de la visite d’inspection du wali concernant l’état d’avancement des travaux de réalisation de ce même campus, Boualem Saidani, recteur de l’université de Béjaïa nous a affirmé que les délais de réalisation seront respectés, et que la plupart des équipements allaient être livrés d’ici la fin de semaine. D’ailleurs, plusieurs blocs ont déjà été réceptionnés, comme les amphis et les bureaux, et l’installation matérielle avait déjà commencé. Malgré les apparences, le chantier avance à un rythme soutenu. L’électricité a été installée, la fibre optique, l’eau, les évacuations, la clôture, ainsi que le gaz qui va être opérationnel avant ce week-end. Le wali, Ould Salah Zitouni, a exigé et obtenu des entrepreneurs des engagements fermes à livrer le reste des équipements avant une semaine. Les retards constatés sont en train d’être rattrapés, comme ceux relatifs à la réalisation de la bibliothèque. L’installation des équipements de la résidence universitaire de trois mille lits est en voie de finalisation. Dans l’ensemble, estime le recteur, en présence du wali, la rentrée universitaire pourra se faire dans de bonnes conditions. Cela rassurera-t-il les enseignants protestataires ?

Amizour, est-elle prête à accueillir la rentrée universitaire ?

Présent également sur place, le maire d’Amizour, Mokhtar Bouzidi, nous a donné quelques informations sur l’environnement du nouveau campus. «Amizour vient de devenir une ville universitaire, et nous comptons accueillir l’événement avec satisfaction et montrer notre total engagement à offrir les meilleures conditions aux étudiants, enseignants et au personnel de l’université afin qu’ils se sentent dans un environnement adéquat dans notre commune». Comment Amizour compte-elle procéder pour faciliter la vie des nouveaux venus, avons-nous demandé au président de l’APC. «D’abord, il y a la réalisation de la pénétrante autoroutière qui rendra Amizour accessible depuis Béjaïa en seulement quelques minutes», a-t-il affirmé. «De plus, nous avons acquis le dédoublement de la RN75 qui borde le campus universitaire, afin de fluidifier la circulation tout autour. De même, avec le wali, nous allons installer de moyens d’éclairage du chemin reliant le campus à la ville, afin de sécuriser cette route. Nous avons demandé en même temps l’installation d’un poste de sûreté urbaine aux abords du campus, afin que l’ensemble du périmètre soit sécurisé» a-t-il ajouté. «Récemment, nous avons débloqué un budget communal de douze millions de dinars pour parachever les travaux de réalisation de la crèche communale, et nous avons reçu l’engagement de la CNAS pour la réalisation d’un nouveau centre de santé avec tous les équipements modernes, ainsi qu’une crèche également. Les enseignants et travailleurs de l’université n’auront donc pas à s’inquiéter, pour ceux qui sont concernés de la prise en charge de leurs enfants en bas-âge». Toujours selon le maire, la mise à niveau d’Amizour est en train de se faire pour rendre la vie de tous plus agréable. Que ce soit pour les citoyens d’Amizour que pour les nouveaux venus de l’université. D’importants projets sont actuellement en discussion pour faire d’Amizour un lieu choyé par tout le monde, d’autant que les partenaires sont tous d’accord pour se donner un coup de main et rapidement atteindre cet objectif.

Pourquoi la faculté des sciences et non pas celle de droit ?

Reste à vérifier les raisons véritables qui ont motivé la décision de délocalisation de la faculté des sciences à Amizour, au lieu de celle de droit. Nous nous sommes à nouveau rapprochés du Professeur Boualem Saidani, le recteur de l’université pour obtenir quelques éclaircissements. Selon lui, «il n’a jamais été question de dédier le campus universitaire d’Amizour à la faculté de droit. Il n’y a aucun document, aucune étude ni aucun PV qui le mentionne». Seule la rumeur avançait que ce serait le cas. Pour preuve, cette faculté est domiciliée au campus d’Aboudaou, qui a une capacité d’accueil largement supérieure au nombre d’étudiants qui la fréquentent. Il n’y a aucune contrainte d’espace en ce lieu. Et si ladite faculté avait besoin de s’élargir, il y a encore environ cinq mille places pédagogiques à remplir. C’est pourquoi, ni le conseil scientifique de l’université ni celui de direction n’ont jugé opportun de déplacer la faculté de droit. Par contre, là où le problème d’espace se pose effectivement, c’est dans le campus de Targa Ouzemmour, où il y aurait vingt mille étudiants, en comptant les nouveaux bacheliers, pour un espace ne pouvant accueillir dans de bonnes conditions que treize mille d’entre eux. Le problème d’espace est crucial dans ce campus. C’est pourquoi, le conseil de direction qui s’est réuni le vingt-sept juillet dernier a pris une décision «basée sur des paramètres objectifs, mesurables et vérifiables» de délocaliser la faculté des sciences vers Amizour, pour libérer de l’espace d’un côté et de donner les moyens de développement adéquats de l’autre côté pour cette faculté qui serait entièrement autonome dans ce nouveau campus.

Décision des conseils scientifique et de direction

Cette décision n’a pas été prise à la légère, et la question aurait été profondément analysée lors du conseil scientifique tenu le vingt-neuf juillet dernier. Il a même été évoqué la possibilité de transférer les troncs communs des trois facultés de Targa Ouzemmour vers Amizour. Mais l’idée n’a pas été retenue, parce que cette solution serait «préjudiciable au bon fonctionnement du campus sur les plans pédagogique, gestion et perspectives de développement». Le débat a permis de clarifier la situation, puisqu’il s’est avéré que la capacité d’accueil du campus d’Amizour (4 100 places pédagogiques + 28 salles de travaux pratiques + une bibliothèque de 750 places + 2 auditoriums), ne peut accueillir la faculté de technologie dont l’effectif dépasse les dix mille étudiants. Celle des sciences de la nature a des spécificités que le campus d’Amizour ne peut contenir, notamment à cause de ses laboratoires qui sont actuellement en cours de réalisation au campus de Targa Ouzemmour. Par contre, la configuration du campus d’Amizour se prête parfaitement aux besoins de la faculté des sciences. Selon le conseil scientifique, Amizour contient dix amphithéâtres, vingt-sept salles de cours, vingt-huit salles de travaux pratiques informatiques dont dix peuvent être aménagées en salles de TP de physique et de chimie, un bloc de cent vingt bureaux pour l’administration, un autre bloc de cent vingt bureaux pour les enseignants, deux auditoriums, une bibliothèque de sept cents cinquante places, deux résidences universitaires et des terrains permettant l’extension future du campus. Actuellement, les effectifs de la Faculté des sciences, avec ses cinq départements, totalise moins de quatre mille étudiants. Un détail important est rapporté dans le procès-verbal du conseil scientifique : «77% des étudiants sont inscrits actuellement dans le domaine MI (Mathématiques-Informatique) ne nécessitant que des TP d’Informatique». Or, il y a un centre de calcul qui est prévu à Amizour. Pour les autres, des solutions alternatives existent et des propositions ont été avancées pour leur prise en charge de manière à offrir aux étudiants les meilleures conditions d’études. Ces arguments n’ont pas manqué d’apporter l’adhésion de l’écrasante majorité du conseil qui a donc adopté la décision du transfert de la faculté des sciences vers Amizour. Il reste que ce transfert se fera de manière progressive, tout en permettant aux laboratoires de recherches affiliés à cette faculté de garder leurs locaux au niveau de Targa Ouzemmour, s’ils le souhaitent. De même, la décision a été prise pour faciliter le travail aux chercheurs en les accompagnants par toutes sortes de mesures jugées opportunes. Tout devra être mis en œuvre pour aider la faculté des sciences à accomplir ses missions.

Décision des protestataires

Ces éléments, répondront-ils à l’inquiétude des enseignants protestataires ? ceux-ci décideront-ils de maintenir leur mouvement en faisant signer une pétition prévue à cet effet ? À la veille de la rentrée universitaire, ce mouvement risquerait-il de porter préjudice aux étudiants, ou bien ses initiateurs ont-ils pris la mesure des conséquences éventuelles de leur protestation ? Toujours est-il que le premier septembre, une réunion s’est tenue dans l’enceinte de Targa Ouzemour où des travailleurs et enseignants auraient signé une pétition qu’ils comptent faire parvenir au rectorat. Dans ce document, une centaine d’entre eux, selon Djoudi Touazi, auraient décidé de boycotter les examens de rattrapages prévus pour les deux et trois septembre ainsi que le déménagement vers Amizour. Les organisateurs de ce boycott ont également décidé de convoquer une réunion pour la journée du six de ce mois pour en débattre avec l’ensemble des enseignants. Selon notre interlocuteur joint au téléphone en début d’après-midi, la décision de saisir la tutelle et le wali aurait été prise. Les arguments avancés la veille sont maintenus, auxquels il faut ajouter «l’illégalité de cette décision sur les plans juridique et administratif». Il maintient ainsi que le campus d’Amizour aurait dû être affecté à la faculté de droit et non celle des sciences exactes. Gageons qu’entre universitaires à l’esprit rationnel, les analyses se feront non pas sur des bases politiques ou personnelles, mais sur des arguments rationnels et scientifiques. Toujours est-il que l’intérêt des étudiants devrait être priorisé même si les enseignants ont parfaitement le droit d’exiger de meilleures conditions pour faciliter le changement d’habitudes et les contraintes que ce transfert ne manquera pas de provoquer. Il fut un temps où les conditions actuelles, même avec leurs insuffisances, constituaient le rêve de l’ensemble des enseignants de l’université algérienne de l’époque, et des ingénieurs, médecins et scientifiques de haut niveau ont quand même pu être formés et cela constituait le miracle algérien.

N. Si Yani

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