Quels outils pour la relance économique ?

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Les remises en causes qui sont entrain d’affecter chaque jour davantage l’économie nationale- dans son orientation hégémonique, voire quasi-exclusive, vers l’exploitation des hydrocarbures- commencent à susciter un semblant de débat, à esquisser quelques réflexions et à faire attirer l’attention sur les retards de formation qui nous empêchent aujourd’hui d’avoir une marge de manœuvre assez large pour prendre en charge cette revendication d’une diversification accrue des activités économiques. En fait, il s’agit d’un terrible constat de vacuité qui pose la problématique de la ressource humaine à même d’enclencher le changement vers une économie productive. La rente pétrolière a « réussi » à faire main basse sur le potentiel de ressources humaines algériennes, aspirant certains cadres vers les cercles bien rémunérés de l’allégeance politique et marginalisant les autres dans des rôles d’ « exécutants » technocrates. Le grand vide s’est surtout ressenti au niveau de l’entreprise. L’économie de rente n’ayant pas spécialement besoin de la performance, de la production ou de l’exportation en dehors des ressources fossiles, l’on s’est retrouvé face à une crise financière qui menace les grands équilibres du pays (économiques, sociaux et même politiques), presque désarmés pour faire enclencher le mouvement de relance via une véritable diversification économique. Tout ce qui a été appréhendé et prévu par les experts algériens, au début des années 2000, sur la marche de l’école et de l’université algériennes, pose sa présence aujourd’hui en termes crus. Plus de dix millions de personnes- entre élèves et étudiants- sont sur les bancs des classes, auxquelles s’ajoutent près de 700 000 stagiaires de la formation professionnelle. Cependant, les entreprises algériennes peinent à trouver un encadrement et un personnel d’exécution adéquat, répondant aux exigences techniques et managériales de l’entreprise. Et c’est sans grand étonnement que l’on constate que des écoles privées se sont installées en grand nombre au cours de ces dernières années pour combler le vide dans certains métiers nouveaux, tels que le marketing, le management, la communication dans l’entreprise,…etc. L’Université algérienne, censée contribuer au développement de l’économie nationale, ne faisait reculer et se fourvoyait dans le labyrinthe des problèmes de logistique et d’intendance. Elle a immanquablement fait les frais de l’économie rentière qui s’installa insidieusement et qui a fini par casser tous les ressorts de la société. Le résultat, on s’en doute, est des plus amers, surtout lorsqu’il s’agit d’une institution supposée former aux valeurs de la citoyenneté participer à la reproduction des élites et assurer l’encadrement de l’économie nationale. L’on se rend compte qu’aujourd’hui, hormis les questions liées aux inscriptions, à la chambre, au transport, à la bourse et à la restauration- préoccupations charriées par la taille de la population universitaire et la désorganisation de tout le système de formation qui n’a pas su garder les grands équilibres entre la formation professionnelle et l’Université-, l’on peine à dénicher les préoccupations d’ordre pédagogique, celles liées à la formation elle-même, à la recherche scientifique et à aux débouchées économiques de profils assurés. Dans le champ économique, les gestionnaires des entreprises et les nouveaux capitaines d’industrie qui comptent relever le défi d’une économie productive, en ces temps de grandes incertitudes qui pèsent sur l’avenir économique du pays, ne trouvent devant eux que de rares compétences à employer en tant que cadres, personnels d’exécution et ouvriers spécialisés. L’offre en matière de personnel qualifié présente une grave déficience au moment même où l’Algérie consent les plus grands budgets du continent africain aux secteurs de l’Éducation, de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique et de la Formation professionnelle. Ces trois secteurs, dans leur ensemble, forment le premier budget de l’Etat algérien, avant la Défense et les autres secteurs jugés pourtant stratégiques. Pour l’année 2014, la loi de finances a prévu un budget de 1 097 781 473 000 dinars pour ces trois secteurs. Mais, pour quel résultat ? Chômage, pré-emploi, crédit Ansej problématique, emplois précaires dans l’informel et vente à la sauvette; alors que l’économie algérienne est en friche. Les séminaires et journées d’études qui se tiennent régulièrement sur les possibilités d’investissement révèlent à chaque fois des potentialités énormes qui restent à exploiter dans l’exploitation et la valorisation des produits du terroir, dans le tourisme, dans l’agriculture, dans l’agroalimentaires, dans les nouvelles technologies de l’information et de la communication,…etc. Mieux encore, des entreprises installées dans l’un des domaines précités cherchent un personnel d’encadrement ou d’exécution sans pouvoir mettre la main sur des éléments qualifiés. Comment gérer cette contradiction ou ce paradoxe qui fait que, d’un côté la jeunesse algérienne se plaint du chômage, et de l’autre, les entreprises se plaignent de l’absence du personnel qualifié et parfois même de la main-d’œuvre ordinaire ? C’est le résultat, on s’en doute, d’une économie basée sur la rente distributive, qui fait fi des impératifs de formation et qui ne se soucie guère des besoins en ressources humaines. Ces dernières ont été même perverties par une distribution d’argent à tout-va. Des crédits Ansej ont été détournés à d’autres fins. Des véhicules de 3 millions de dinars acquis à crédit ont été désossés par leurs propriétaires afin de les écouler à la casse. Comment réhabiliter les valeurs du travail, de la formation et de la qualification ? La question n’a jamais présenté un caractère aussi crucial que celui d’aujourd’hui, le pays étant acculé à chercher d’autres sources de revenus en dehors des hydrocarbures.

Amar Naït Messaoud

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