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Quand tradition rime avec religion

La fête de l’Achoura ou «Tachourth» est célébrée pratiquement chaque année dans toutes les contrées de Tizi-Ouzou. Il s’agit d’une fête à connotation religieuse et même à dimension sociale. Elle correspond au 10 ème jour de l’an hégirien «Moharram». La célébration de «l’Achoura» dans les villages de la Kabylie requiert un caractère spécifique. Une spécificité qui se traduit par une jonction entre les particularités traditionnelles de la région et la dimension religieuse de la fête de l’Achoura. Ce rituel consacre dans les profondeurs de la Kabylie, la consolidation de l’Islam traditionnel, un Islam fait de tolérance, de solidarité et de générosité. De même, comme fait religieux, l’Achoura est adoptée en Kabylie selon la culture et les traditions ancestrales de celle-ci. En effet, dans toutes les localités de Tizi-Ouzou, presque l’Achoura est célébrée d’une manière uniforme, même s’il y a de légères différences d’un village à un autre. Voire, un diner spécial est préparé la veille, ou le traditionnel «Couscous» au poulet préparé avec de la viande «séchée», n’a jamais fait défaut. Aussi, cette fête est célébrée comme journée de solidarité en Kabylie, dans laquelle les gens du village organisent de grandes «waâda» ou «timechret». Des Bœufs sont sacrifiés à l’occasion, où tout un chacun a droit à une part de viande. «Ce rite annuel est célébré dans pratiquement la plupart des villages de Tizi-Ouzou. Même si aujourd’hui diffère d’hier, la solidarité n’a jamais fait défaut. «Timechret est organisée en sacrifiant des bœufs, la viande est distribuée pour les nécessiteux et les non nécessiteux. Et il y a même d’autres plats traditionnels préparés parallèlement à l’occasion», nous dira un vieux.

L’Achoura a également un caractère social à Tizi-Ouzou. Cela se traduit par le fait que les membres de la famille kabyle se réunissent à l’occasion de cette fête religieuse. Cette reconversion entre fait traditionnel et fait social solidifie les liens familiaux et sociaux, un rituel qu’on ne peut trouver dans d’autres sociétés. Et comme jonction entre le traditionnel et le religieux, il y a la Zakat (impôt religieux) collectée déjà et distribuée à l’occasion aux plus nécessiteux. D’une dimension religieuse à une dimension sociale et culturelle, cela confère à l’Achoura un aspect multiculturel. D’autant plus, la Kabylie est traversée par plusieurs dogmes après l’apparition de l’Islam dans le Maghreb. Durant les premiers siècles de l’Islam, entre autres, les kharijites et les mourabitines se sont succédés en Kabylie, et chaque entité gouvernante avait sa spécificité religieuse. Voire, chaque dogme avait son empreinte religieuse. Mais la Kabylie savait garder son autonomie, en adoptant l’Achoura comme fait religieux, elle avait su préserver son socle ancestral. L’Achoura aussi comme fait religieux est célébrée différemment en terre d’Islam, et ce, selon les doctrines religieuses. Pour les Sunnites, on la célèbre pour se différencier des juifs, en jeûnant le 9ème jour ainsi que le 10ème de Moharram. Pour les Chiites, taâchourth ou l’achoura commémore le martyre de l’Imam Hussein, fils de Calife Ali, et petit fils du prophète (qssl). Fêtée à la fois par les musulmans et les juifs, cette fête religieuse requiert en elle-même aussi une dimension interreligieuse. C’est comme un point d’intersection entre ces deux religions monothéistes. Car, il est à noter que l’Achoura était initialement une fête juive. Elle représente l’exode du peuple d’Israël, après leur délivrance par le prophète Moise.

Rachid B.

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