La légendaire Bataille de Amara

Partager

Amara est une vallée hautement fertile de plusieurs milliers d’hectares. Elle est composée d’oliveraies à perte de vue et d’importantes surfaces à vocation céréalières et maraîchères. Elle est située à quelques encablures de la ville de M’Chedallah et mitoyenne de Tamourt Ouzemmour, des plaines riveraines d’Assif n’ Sahel qui s’étendent de Takaâts, dans la commune d’El Adjiba, jusqu’à Toghza dans la commune de Chorfa, via Oughazi dont se sont emparés les tous premiers colons qui ont débarqué dans cette région, tels que Troccon, Pedrio, Ruich, Lagere Pétavain, Metayer, entre autres, venus de divers pays de la rive nord du bassin Méditerranéen. Ces plaines, qui sont en fait le prolongement à l’ouest de l’ex-vallée de la Soummam, ont été mises à la disposition des colons après que leurs propriétaires autochtones ne furent chassés. Elles se transformèrent en fermes valorisées par ces dizaines de colons qui se sont reconvertis en fermiers, grâce à l’aide de l’administration coloniale qui leur réalisa un canal d’irrigation à partir du petit barrage d’Assif Assemadh, alimenté par la source noire d’El Aïnser Averkan d’Imesdurar, et cela en plus d’assurer leur protection en mettant à leur disposition une section de harkis encadrés par quelques mercenaires de la Légion étrangère. Cette section accompagnait chaque matin les colons qui supervisent les travaux agricoles dont la majorité de la main-d’œuvre était offerte gracieusement par l’administration pénitentiaire, en puisant dans leurs sinistres geôles débordantes de prisonniers algériens arrêtés arbitrairement pour un oui ou pour un non et parqués tels des animaux dans des conditions inhumaines dans les prisons du sinistre centre de torture Cheik Ouvelqacem, dans la ville de l’ex-Maillot, actuelle M’Chedallah, celle d’El Adjiba ou encore celle du fort turc Bordj Omar d’Ath Vouali. des témoins encore vivants racontent qu’à l’occasion de chaque lancement d’une campagne agricole dans ses divers créneaux et en toutes saisons, les militaires français opèrent des rafles dans les villages et arrêtent sans raison des jeunes Algériens solides, capables de travailler pour renforcer les effectifs de la main d’œuvre qu’ils mettent à la disposition de ces colons qui engraissent la patte aux officiers français. C’était l’une des raisons qui a poussé les responsables locaux de l’ALN/FLN à mener une expédition punitive contre les forces coloniales et leurs protégés. La deuxième raison, raconte Aâmi Ahcène Aoudia, moudjahid résidant à proximité de Amara à Thiniliouine, sont les exactions et razzias que commettent ces harkis et mercenaires de la légion étrangère, chargés de la sécurité des colons qui opèrent des descentes sur les bourgades limitrophes et dévalisent la population en raflant tout objet de valeur qui leur tombait sous la main. Aâmi Ahcène Aoudia qui était un fervent militant de la première heure de la cause nationale et qui menait la mission de collecteur de fonds dès les premières années de la guerre de libération, est désigné par la suite comme responsable local de l’organisation sous le qualificatif à l’époque de  » chef Nidham  » et ce à partir de 1957. Le vieux moudjahid, poursuivant son récit sous l’emprise d’une forte émotion qu’il n’arrive pas à maîtriser, raconte qu’il a adressé un rapport détaillé à ses chefs hiérarchiques dans lequel fut signalé le comportement bestial des harkis et des mercenaires, soulignant en même temps la nécessité d’une action des fidayines contre ces lâches qui s’attaquent presque quotidiennement à une population sans défense. Une demande à laquelle répondait favorablement et sans hésitation le lieutenant Si Lahlou, qui se prépara aussitôt à mener une expédition punitive contre les mercenaires de la légion étrangère et leurs valets et qui mettra au point un plan de bataille minutieux.

Pour ce faire, il commença par effectuer une reconnaissance des lieux et s’attela à une surveillance de plusieurs jours du déplacement de la section des soldats français. C’est ainsi qu’il décida de passer à l’action aux environs du 15 Mai 1958, à l’occasion du déclenchement de la campagne de fenaison qui ramena les colons et leurs protecteurs sur le terrain, au lieudit Amara. Le lieutenant Si Lahlou démontra, dans le plan qu’il arrêta pour exécuter cette opération, les qualités d’un grand chef de guerre : il chargea en premier lieu un groupe de Mouseblines (volontaires) armés de fusils de chasse de tendre une embuscade à la section des harkis à Amara, avec ordre de tirer quelques salves et se replier sur les hauteurs d’Allaouche. Une première actions qu’exécutèrent les Mousseblines aux environs de 13 heures, en faisant détaler les gommiers rien qu’en brûlant quelques cartouches de chevrotines, s’ensuit ensuite l’arrivée d’importants renforts des soldats français stationnés dans plusieurs garnisons et postes avancés dans la région, qui ont dû abandonner leurs véhicules blindés en raison du terrain accidenté et poursuivent à pied la dizaine de Mousseblines qui continuèrent dans la provocation en continuant à tirer toujours à l’aide de fusils de chasse, tout en battant en retraite et attirant les militaires français qui se lancèrent à leur poursuite vers les forêts d’Anza Ouaoudhiou, où les attendait Si Lahlou avec un groupe de choc de 65 fidayines bien entraînés en matière de techniques de guerre et équipés d’armes automatiques. Les soldats français, qui tombèrent bêtement dans le piège, furent accueillis par un déluge de feu, une fois pris dans le dispositif de l’embuscade, une souricière dans laquelle ils subirent d’énormes pertes.

L’avantage de la surprise ajoutée au courage, la détermination et de la parfaite connaissance du terrain a permis au groupe de Si Lahlou de faire subir des pertes importantes aux Français qui reçurent ce jour-là une mémorable raclée. Du côté des moudjahidine, un tirailleur de la pièce FM tomba au champ d’honneur, les mousseblines de leur côté ont eu pour mission de récupérer armes et munitions sur les cadavres des soldats français.

Ce légendaire officier poussa l’audace jusqu’à leur imposer même un corps-à-corps pour faire mesurer aux officiers français les capacités au combat de nos valeureux fidayines, qui n’ont eu aucun mal à semer la panique dans les rangs des militaires français, qui, en voulant fuir et quitter la forêt transformée en enfer pour eux, tombèrent dans une autre embuscade à la lisière du bois, à proximité du village Aggache. Cette bataille de Amara est parmi les plus importantes de la région de M’Chedallah. Aâmi Ahcène Aoudia nous narra ce haut fait d’arme de la guerre de libération d’une seule traite, sans marquer aucune hésitation, le regard lointain, poursuivant sans doute de vieilles images qui défilèrent comme la bobine d’un film qui se déroula dans la mémoire du vieux combattant, qui à peine s’était aperçu de notre départ, tant il restait plongé dans ses.

Oulaid Soualah

Partager