Khadidja ou le malheur d’être née naine

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Khadidja, une jeune fille âgée de vingt-quatre ans, est atteinte de nanisme, ce qui lui rend la vie difficile et insupportable. Lasse de sa situation et du calvaire enduré par sa famille au quotidien, celle-ci décide d’aller se plaindre auprès de la cellule de communication. En poussant la porte de cette dernière, tous ceux qui s’y trouvaient pensaient que c’était une enfant âgée à peine de quatre ans. De sa démarche claudicante, elle se dirige vers le siège qu’on lui désigne et s’assoit. En larmes, elle leur raconte alors son malheur. Elle accuse tout le monde, et d’abord ce sort qui la désavantage si terriblement. Quand une personne est atteinte de nanisme, elle est, malheureusement, exposée à toutes sortes de moqueries et d’agressions. Elle n’est pas la seule, d’ailleurs, à être frappée de la sorte par cette maladie, il y’a aussi sa sœur, Asma, qui a treize ans et qui présente le même handicap physique. Et comme elle fréquente le CEM de Dirah, dont la famille est originaire, elle est non seulement exposée, en permanence, aux quolibets de ses camarades mais aussi, selon khadidja, le chauffeur du fourgon de transport, qui assure le transport scolaire, éviterait de passer la prendre à la maison. Le P/APC a été mis au courant, mais le problème perdure. Le fait est que Khadidja, qui ne semble pas avoir sa langue dans sa poche, a dû le blesser. Et le chauffeur a du chercher à éviter de se quereller avec elle. Ainsi donc, pour pouvoir se rendre à ses cours, son père, qui est employé par la commune comme gardien de château d’eau, est obligé de lui louer une voiture au mois. Presque toute la paie y passe. Comme Khadidja a été reçue par la directrice de l’action sociale, dans l’après-midi, cette dernière a interpellé pour la seconde fois, le responsable de la commune sur le transport afin qu’il bénéficie aussi à la collégienne handicapée. Elle a donné des garanties et Khadidja a pu faire d’autres revendications comme un fauteuil pour son frère. Ce que la directrice lui a promis, lui faisant savoir que la commission d’enquête a jugé de la nécessité de lui en attribuer un. Quant à une aide supplémentaire, la responsable de la DAS ne pouvait rien lui promettre, car la jeune fille dispose d’une petite pension de 4 000 DA, versée annuellement. La responsable a tenu à lui rappeler que sa sœur avait déjà reçu un fauteuil et que lorsque les temps le permettaient, la direction a accordé une aide consistant en achat de denrées alimentaires estimées entre 3 et 4 millions de centimes. «Je ne devrais pas le dire, mais nous avons, même, organisé une collecte ici pour lui venir en aide», dira la directrice. Il faut dire que cette dernière a déclaré ceci que parce que Khadîdja l’a accusée de ne pas faire assez pour elle et ses deux autres frères et sœurs. Les travailleurs de la cellule, qui étaient attendris et touchés par les plaintes de la malheureuse, lui ont collecté une somme d’argent tout en discrétion. Le directeur de l’éducation toujours joignable a été informé de l’atmosphère peu conviviale vécue par l’élève, Asma, dans la cour de l’établissement et pendant le trajet au temps où cette dernière prend le bus avec ses camarades. Il a promis qu’il prendrait les dispositions qui s’imposent. Nous pensons que Khadija a surtout besoin d’une prise en charge pédagogique. Nous avons assisté à son audience avec la DAS. Malgré ses larmes, la jeune fille ne pouvait pas s’empêcher de prendre un ton agressif envers son interlocutrice. Elle rendait celle-ci responsable de son malheur. Elle a agi de la même manière envers une journaliste qu’elle a accusée de ne pas lui accorder l’attention voulue que nécessite son cas. Elle en veut, en vérité au P/APC, au chauffeur du transport scolaire, aux gendarmes et aux camarades de sa sœur, de la même manière, qu’elle s’en prenait ce matin au sort d’être si injuste avec elle. Nous pensons que Khadija a besoin qu’on lui explique qu’il y a des cas d’handicap plus lourds que le sien et qu’elle devrait s’estimer heureuse de posséder une intelligence plus vive. Certes, Khadidja fait tout juste un mètre ou peut être moins. Elle a les jambes rachitiques donc, elle est contrainte de se servir d’une béquille. Yacoub, son frère, présente un état plus handicapant que le sien. Et en le voyant ainsi, le malheur de la jeune fille s’accentue. Mais quoi ? Khadidja a fait le déplacement de Dirah à Bouira- aller et retour- sans être accompagnée par personne. Yacoub reçoit des soins et il y a des chances pour que son état enregistre des progrès. Elle devrait aussi se réjouir que ses trois autres frères échappent à ce terrible handicap, qu’est le nanisme associé comme chez elle de rachitisme. D’ailleurs, se révolte-t-on contre sa destinée ? Certains ne viennent au monde que pour passer de vie à trépas. D’autres ont le sida dans le ventre maternel. D’autres encore naissent sourds et aveugles. Le malheur est partout. Mais le courage est de l’affronter sans trop se plaindre et surtout sans accuser à tort et à travers.

Aziz Bey

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