Encore une fois, c'est l'association Amgud qui s'est distinguée en organisant, samedi dernier, un hommage au chanteur engagé Boudjemaâ Agraw, à l'occasion de la sortie de son nouvel album dont le titre phare est "JSK Negh".
En effet, la petite salle de la Maison de jeunes Arezki Mansouri a été trop exiguë pour contenir non seulement le public venu de la région, mais aussi des invités de marque, à l’image d’Ali Ideflawen, de Dda Amar Belkada, artiste-poète, d’Ahcène Chérifi, l’un des poseurs de la bombe de 1976 au journal El Moudjahid, du député Hamou Didouche et d’autres anonymes. Mais ce qui a aussi rehaussé ce rendez-vous est la présence de deux anciens grands joueurs de la JSK, en l’occurrence M. Miloud Iboud et Djamel Menad, en même temps deux membres actifs du comité de soutien et de sauvegarde de la JSK. Si cet hommage a débuté dans la matinée, avec une exposition des affiches relatant le parcours de Boudjemaâ Agraw, de son vrai nom Ouddane Boudjemaâ, il s’est poursuivi dans l’après-midi avec des interventions très intéressantes qui ont plongé la salle dans le combat identitaire des années 70 lorsque Amar Derriche a été appelé à faire une rétrospective d’Idles amazigh à travers un discours bien préparé pour cette occasion. Ainsi, il commencera par revenir sur les étapes importantes de l’histoire des Imazighen. Donc, après avoir donné des repères très intéressants à l’assistance, dont la majorité sont des jeunes, à l’exemple du premier roman écrit par Mecispsa en son temps, « l’âne d’or », et bien d’autres ouvrages de très grande valeur comme ceux de Saint Augustin, il évoquera ensuite le combat identitaire durant les années 70 et les années 80. « Des artistes comme Boudjemaâ, Chérif Kheddam, Ali Ideflawen, pour ne citer que ceux-ci parce qu’il y en a beaucoup, ont su comment, à leur manière, lutter pour la sauvegarde de cette langue orale qui a résisté à toutes les invasions. Dans leurs textes, on retrouve des mots qui ont des sens mobilisateurs de foules et des artifices pour aller au combat. Même s’il y a par exemple des personnes qui ne sont pas allées à l’école, ces mots les obligent à participer à leur manière à la lutte identitaire. Le sport aussi à travers la JSK a participé à cela », dira-t-il. M. Amar Derriche, prônant un discours pédagogique et logique, est allé dans sa pensée tout en arrivant à trois poésies qu’ils jugent très nécessaires pour, justement, sauvegarder cette identité. Il citera la poésie vivante qu’il illustrera par des exemples, puis l’active et enfin celle qui est liée à la politique. Amar Derriche estimera que la dernière est redoutée par tous les pouvoirs. « Les pouvoirs ont souvent peur de leurs artistes, de leurs poètes et de leurs peintres parce qu’ils savent pertinemment que dès lors une idée est ancrée dans l’esprit de leurs administrés, il ne serait pas de l’en expurger », expliquera ce premier intervenant. Celui qui a été le plus attendu était Boudjemaâ Agraw, qui devrait expliciter devant l’assistance quelques titres de son nouvel album. À ce sujet, c’est la chanson composée pour la JSK qui a été longuement abordée. « J’ai opté pour composer cette chanson afin d’éveiller les consciences et de provoquer un sursaut au sein du peuple kabyle, pour faire pression sur l’actuel président de la JSK à partir. Je n’ai pas utilisé des insultes, mais des mots plus forts que cela. Il faut que la JSK revienne à ses enfants. Si nous nous laissons faire, ce club va se diriger vers le bas », dira-t-il sous des applaudissements nourris. Boudjemaâ Agraw voit que la situation est critique, parce que ce président et tous ceux qui le soutiennent ne veulent pas que cette équipe sorte la tête de l’eau. « C’est voulu », comme dirait l’autre. L’orateur reviendra ensuite sur l’intégrisme, en faisant référence à « je suis Charlie ». « Nous étions les Charlie des Charlie durant près d’un siècle et demi et puis nous étions aussi devenus les Charlie des terroristes intégristes. Et pourtant, après l’arrêt du processus électoral de 1992, ceux qui aujourd’hui, soi-disant, condamnent cette violence, ont demandé à ce que l’Algérie soit entre les mains de ceux qu’ils condamnent aujourd’hui, sous prétexte qu’ils avaient remporté les élections », expliquera-t-il en substance l’une des chansons de son album. Cette artiste engagé reviendra sur beaucoup d’événements traités dans cet opus. Enfin, il dira que Boudjemaâ Agraw a décidé de ne plus composer des chansons d’amour. Car, argumentera-t-il, avec l’âge, il s’est rendu à l’évidence qu’il fallait s’investir dans des beaux textes auxquels seront associés de belles musiques et de beaux instruments. « Écouter ce genre de chansons, c’est adoucir l’esprit. C’est mieux que de prendre un comprimé Doliprane », ironisera-t-il. Les jeunes attendaient surtout la prise de parole de Miloud Iboud. « Nous ne sommes pas ici pour insulter comme l’a dit tout à l’heure Boudjemaâ Agraw, mais c’est pour appeler à la raison. Notre seul objectif est de remettre la JSK, mon équipe depuis 1965 qui fait vibrer l’Algérie, la Kabylie et l’Afrique, entre les mains de ses véritables enfants. Nous appelons encore une fois ce président à venir discuter avec l’ensemble des enfants de ce club, pour trouver une solution honorable et sortir ce club de cette dérive. La JSK est notre patrimoine commun et personne ne lui souhaite de se retrouver dans cette situation critique. Tous ensemble, artistes, hommes de culture, supporters, sportifs, pour redonner à notre cher club la place qui lui revient sans guerre et sans violence », entonnera ce membre actif du comité de soutien et de sauvegarde de la JSK. Après quelques hésitations, Djamel Menad prendra la parole pour placer, lui aussi, quelques mots. « Tout le monde le constate : aujourd’hui, la JSK n’est qu’une coquille vide. Hannachi et ceux qui le soutiennent veulent que la JSK ne relève pas la tête de l’eau. Tout ce que nous avons fait n’a pas abouti. Vous savez que la JSK a perdu tout, surtout ses valeurs identitaires. Il est, donc, temps de se lever comme un seul homme pour dire basta à tout ce qui est en train de se tramer pour mener la JSK aux enfers. Personnellement, j’ai tout raté et j’ai mis tous mes contrats de côté pour m’atteler à rendre à la JSK son lustre d’antan », ajoutera de son côté Djamel Menad. Un débat a été ouvert. Il est à souligner que toutes les interventions se sont dirigées autour du départ du président Hannachi de la tête de la JSK.
Amar Ouramdane