Un pur régal

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Le Café littéraire de Béjaïa nous a régalés, avant-hier, avec une rencontre poétique de très haute facture. Il s’agit de la deuxième édition du Spectacle poétique et musical : Muses exilées.

Sur un décor à la fois sobre et recherché le duo constitué par Sihem Benniche et Malek Tighilt a présenté une belle brochette de poètes et de musiciens chanteurs. L’après-midi a été comme une douce brise qui était venue rafraîchir l’atmosphère culturelle de Béjaïa, qui avait du mal à se renouveler depuis les festivals de l’été et du début de l’automne derniers. Selon Sihem Benniche, qui a été la championne d’Algérie de Slam et qui a représenté notre pays au championnat du monde de cette discipline littéraire à Paris, «Muses Exilées est un spectacle poétique et musical qui, comme son nom l’indique, englobe divers arts, à savoir la musique, le chant, la poésie, le rap et la photographie». Le spectacle s’est ouvert par une déclamation poétique entrant dans la thématique de l’événement avec Sihem Benniche accompagnée par Noro, un bassiste venu de Jijel. La façon de présenter les poèmes est assez impressionnante. On sent que la poétesse rentre complètement dans son texte et le déclame du fond d’elle-même d’une façon qui semble tellement naturelle et vraie qu’on oublie presque qu’il ne s’agit que d’un poème. Tel fut également le cas pour les autres artistes qui se sont succédés sur les planches du TRB en cet après-midi particulière. En deuxième partie de ce spectacle, un hommage a été rendu à trois auteurs algériens : Amar Mazdad, Malek Haddad et Tibouchi. En leur honneur, des textes extraits de leurs œuvres ont été déclamés, aussi bien en français qu’en arabe. Ces déclamations ont été faites par Imane Ouali, Mohand Zaidi et Dihya Lwiz, accompagnés par Kakou, le guitariste de Tchapa Blues. En troisième partie, le rappeur bougiote, Haroun Freeman, et le guitariste Aïssa Belkadi originaire de Timezrit, ont présenté au public quelques morceaux qui ont permis de changer de registre en douceur. Le rap étant une musique très riche en texte. Puis, on a eu droit à un autre récital poétique présenté par de jeunes poètes et slameurs. Il s’agit de Khaled Djillali, poète amazigh né à Taourirt Ighil, Amira Hilda, une poétesse en langue française et actrice venue de Sétif, ainsi que de Dihya Lwiz, écrivaine, auteure et poétesse de Béjaïa qui a présenté des poèmes en arabe et en kabyle. Un talent à encourager. En fin de spectacle, les animateurs de ce Café littéraire spécial nous ont présentés un concert musical avec deux groupes, Clé 13 de Jijel représenté par deux membres, Moh et Mehdi, auxquels se sont joints Noro du groupe Algorithme et Nadji de Meliana. Ils ont entrainé les nombreux spectateurs, venus cette après-midi, dans des séquences de jazz-blues d’une grande beauté. Enfin, il y eut Adel Dial El Gosto de Béjaïa, accompagné de Hakim Cheklat à la batterie et de Adnane Benaouicha à la basse. Ils ont fait revisiter au public des morceaux de Jimmy Hendrix, Sting, Led Zepplin,… Rappelons que «Muses Exilées» est un spectacle trimestriel initié et organisé par un groupe restreint, qui est issu lui-même du Café littéraire de Béjaïa. Il active sans grands moyens, sans aides ni financements extérieurs. Ils mériteraient l’attention des responsables culturels de la ville et de la wilaya de Béjaïa, ainsi que de tous les amoureux du bel art afin qu’ils lui donnent un minimum de considération. Du talent, ils en ont, et pour leur permettre de l’exprimer, ils ont besoin de talents sonnants et trébuchants. Le concept de muses est tiré de la littérature grecque antique et fait allusion à l’inspiration. C’est pour exorciser leur exile que ces poètes et musiciens ont décidé d’organiser ses rencontres afin d’aller à la rencontre du public. À la sortie du TRB, le chanteur de Clé 13, venu de la région de Jijel, nous a confiés combien il était content de se retrouver à Béjaïa, une ville où il se sent à l’aise et où les relations sont simples et les rencontres fructueuses. Le climat artistique et culturel semble, lui, être favorable et il n’est pas contre l’idée de revenir plus souvent. En tous cas, les animateurs du Café littéraire de Béjaïa nous ont offert une après-midi très riche et très agréable. Ils viennent de démontrer qu’ils ont plus d’une flèche à leur arc. Bravo à toutes et à tous. Rendez-vous est pris dans trois mois, pour une autre édition de Muses Exilées, avec d’autres surprises. Cette fois, il faudra espérer que la muse inspire quelques mécènes qui aideraient ces exilés à mieux profiter de la brise qu’eux même créent.

N. Si Yani

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