Chroniques cinématographiques

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Par Abderrahmane Zakad.

Humblement, l’auteur s’est mis en retrait pour faire parler l’animateur de la cinémathèque.Il est de ces hommes qui ont une carrure. On le découvre chroniqueur comme on l’avait découvert cinéphile averti et …passionné.Karèche promène, comme une légende, ses allures de basketteur adroit, ne ratant jamais une passe. Que de films ont été récupérés par lui et mis dans les filets de la cinémathèque.C’était, avant sa retraite, le genre d’homme qui s’avachissait dans l’un des fauteuils de la salle au nombre de 300 et passait des heures à visionner des films pour concocter un pro-gramme afin de nous donner du bonheur et aussi nous instruire. Avec son équipe, il a récupéré, sauvé, rénové, trié, analysé des dizaines de films en les regardant comme une dentellière tissant les fils d’or et d’argent en point de feston. On ne le dira jamais assez, il s’était acharné pour sauvegarder les films et sauver le cinéma algérien, comme avaient fait les GLD pour sauver le pays. Bravoure et ténacité.En éditant son livre, il a trouvé sa voie, celle d’un chroniqueur et d’un généalogiste de plus de quarante années d’histoire de notre cinéma, entre autres, qu’il raconte avec une humilité et une verve chaleureuses qui ne laissent pas indifférent.Ses souvenirs, comportent, des anecdotes truculentes et des portraits nous ramenant à des époques bénies où la part des dépenses pour la culture était comprise dans le budget des ménages. Il nous fait découvrir également les ruades et les accrocs, les joies et les pleurs, l’angoisse et la sérénité qui se déroulaient derrière la caméra ou derrière l’écran.Dans son livre, il y a comme la prose d’un solitaire qui paraît sortir d’un film de Godard. Obsédé de vérité, de spirales ténébreuses ou gaies, de maximes casbénnes, capable de citer Kateb Yacine dans une phrase décrivant Ali Zaâmoum pris pour Kaci Tizi Ouzou, avec l’humour marmoréen d’un homme sensible qui noie son couscous d’une sauce kabyle piquante soumise au pelliculage.Les fournaises évasives du 7ème art auront été pour les gens du cinéma, au gré des vicissitu-des, ce que fut le maquis pour la génération de Vautier et de Mokdad.Karèche est un sniper du cinéma à l’affût comme il aurait pu être un “moussebel” de la casbah. L’ancien cinéma, le cinéma à thème, le vrai, est resté son drivein, comme si l’on trouvait encore la poussière des rêves sous les semelles de « L’homme aux sandales de caoutchouc ».A lire Karèche, on a parfois l’impression de suivre un “meddah”, rêvant de planter sa canne de souk en souk pour annoncer les nouvelles des contrées. Karèche l’avait fait, de ville en ville, pour répandre la culture et ouvrir des cinémathèques. Mais il y a plus, il nous invite à une promenade à travers les pistes mentales d’un chroniqueur panoptique, qui sait tout de ce que le silence concède aux hommes.Quand on ferme le livre, on le devine déposant une fleur sur la tombe des gens du cinéma qui nous ont quittés à tout jamais, quelques fois victimes de contingences, souvent emportés dans le cercueil de l’oubli. Ce livre leur est certainement destiné. L’auteur ne le dit pas mais le lecteur ne s’y trompe pas. Pour ma part je mettrai ce livre entre mon Larousse et mon Qamous.

Par B. K.*”Un jour, un film”.Jazz Editions – 400,00 DA

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