Le baudet, une espèce en nette régression

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En cette période de cueillette d’olives, le recours aux bêtes de sommes, et plus particulièrement l’âne, pour le transport de la récolte en région de montagne où les reliefs sont difficiles d’accès est indispensable. Seulement, en Kabylie d’une manière générale et à M’Chedallah en particulier, le nombre de ces animaux a beaucoup diminué. Dans certaines localités, il n’en reste presque aucun. Beaucoup de facteurs ont fait que le nombre de ces animaux a chuté. L’un d’eux est lié au déplacement massif des campagnards vers des lieux plus sûrs et sécurisés durant la décennie noire des années 90. Au fait, beaucoup ont laissé derrière eux ou presque abandonné leurs animaux dans les montagnes. C’est la mort dans l’âme que ces campagnards déplacés, se sont séparés de leurs compagnons de toujours devant l’impossibilité de le nourrir ou le parquer faute de place pour aménager une étable. L’autre raison étant le fait qu’en Kabylie existe une coutume qui dissuade les citoyens d’élever ou d’acheter une femelle (ânesse), une coutume vigoureusement suivie sans que personne ne soit en mesure d’expliquer la raison ou son objectif. Du coup, la reproduction de cette espèce a été stoppée net. Bête rustique et résistante, laquelle a participé à la construction en Kabylie comme l’a souligné si bien Matoub, l’âne n’est pas exigeant en matière de nourriture, par conséquent facile à entretenir. Il n’y a pas très longtemps, il accompagnait les campagnards de Kabylie dans toutes leurs activités quotidiennes servant de monture sur les chemins escarpés ou pour le transport de lourds fardeaux. Il est aussi fréquent, qu’il soit utilisé en bête de trait pour les labours. La seule saison où ce paisible animal devient turbulent et capricieux est le printemps, car repu d’herbe fraîche, il ne rate aucune occasion pour évacuer le surplus d’énergie en donnant libre cours à sa joie de vivre par des ruades et surtout engager d’interminables combats contre ses semblables. Le concert de braiements qui égayaient, jadis, nos campagnes, créant une animation particulière, n’est désormais plus qu’un vieux souvenir. C’est avec nostalgie et une émotion non feintes que les anciens se lancent dans l’évocation des prouesses de l’une de ces bêtes qu’il leur est arrivé de posséder dans leur jeunesse. Le fait que la coutume relatée soit strictement appliquée, a fait que la reproduction de l’âne est quasiment inexistante en Kabylie, c’est une région où ne subsistent encore que quelques rares spécimens de l’un des plus fidèles et des plus anciens compagnons des montagnards. En plus des services rendus pour le travail des champs, l’âne a, énormément, participé à la guerre de libération en transportant des vivres, des armes et surtout des blessés grâce à son pas assuré sa force, son agilité et ses capacités à se déplacer dans l’obscurité durant les nuits, caractéristiques qui lui permettent de grimper les terrains abruptes et escarpés avec aisance. De plus, il ne pose aucun problème pour sa nourriture, dans le maquis. L’animal se contente des touffes de chaumes et des branchages verts, sa robe souvent mauve ou grise lui sert de «camouflage» difficilement repérable. Non ferré il ne laisse aucune trace sur son passage. Ce sont là des avantages et atouts considérables pour les maquisards. Abordez n’importe quel ancien moudjahid, il évoquerait cette bête avec respect et émotion.

O.S

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