Le chanteur, Mokrane Ifoula, a déjà cinq albums sur le marché. C’est en 2015 qu’il a sorti son cinquième album «Thidett», qui est de très bonne qualité. Nous l’avons rencontré à Ighil Izegaghen, son village natal, et il a bien voulu répondre à nos questions.
La Dépêche de Kabylie : Voulez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Mokrane Ifoula : Je m’appelle Mokrane Houassine, je suis natif d’Ighil Izegaghen, commune d’Aït-Tizi, daïra de Bouandas. Plus communément, je suis de l’Arch des Aïth-Slimane. Je suis âgé de 41 ans, et je suis épris de la chanson, de l’art et de tout ce qui est beau et bien fait.
Pourquoi avoir choisi Ifoula, comme nom d’artiste ?
Dans la région où j’habite, il n’y a aucune enceinte capable d’abriter des activités culturelles et accueillir les jeunes. Quand j’étais petit, c’était pire ! Je me souviens que quand je voulais jouer de la guitare et chanter avec mes amis, il fallait trouver un refuge loin du village. Comme c’est une région montagneuse, on s’abritait dans des grottes (ifoula en kabyle); par nostalgie à cette époque, moi et mes amis, nous avions créé le «Groupe Ifoula» et quand je me suis mis tout seul, j’ai gardé ce surnom.
Parlons de vos débuts…
Comme pour la majorité des chanteurs Kabyles, j’ai commencé à apprendre à jouer de la musique et à composer des poèmes dans mon village, avec mes copains d’enfance. D’abord, quand j’étais enfant, j’avais déjà un penchant pour la chanson, j’aimais écouter et voir quelqu’un jouer de la guitare. Ce n’est qu’en 1991 que je me suis procuré non sans difficultés, ma première guitare. En 1992, j’ai chanté pour la première fois sur scène à l’occasion d’un mariage. D’abord, j’avais commencé par interpréter des chansons d’autres chanteurs. En 1993, j’ai constitué le «groupe Ifoula» avec une bande de copains. Ce n’est qu’en 1996 que le groupe a enregistré véritablement son premier album avec Bazou. Sorti en 1997, et faute de moyens, cet album n’a pas réussi à survivre au-delà de ma région. En 1999, j’ai enregistré un autre album (toujours avec le groupe) au studio «Norkoum» avec Didine Ahia.
À partir de quel moment avez-vous commencé à enregistré en solo ?
En 2003, j’ai participé à «l’année de l’Algérie en France», et j’y suis resté quinze mois. Pendant tout ce temps, j’ai eu l’occasion d’animer des fêtes, car la communauté Kabyle, comme tout le monde le sait, est assez importante dans ce pays. Grace à des amis que je remercie beaucoup, j’ai animé un gala au siège de l’UNESCO à Paris et j’ai participé à un autre gala en Belgique. En 2004, j’ai enregistré avec des musiciens français et des danseuses japonaises un clip que j’ai mis sur Youtube. Ce n’est qu’en 2006, après mon retour en Algérie, que j’ai commencé à enregistré tout seul.
Parlez nous alors de votre œuvre ?
En plus des deux albums avec le groupe, j’ai enregistré au studio Seddouk, l’album «A yittij» que j’ai mis sur le marché en 2007. En 2011, j’ai enregistré et mis sur le marché mon troisième album «Dayen Dayen». Cette année, j’ai sorti mon dernier album qui s’intitule «Thidet» et qui est déjà sur les étals. J’ai déjà enregistré trois clips, j’ai participé à plusieurs émissions télévisuelles, sur TV4 et Berbère TV. J’ai eu plusieurs passages dans les radios, partout en Algérie et en France, comme radio Soummam, el Hidhab, Tiaret, Tamanrasset, Beur FM et Radio Berbère. J’ai aussi participé en 2012, au festival de Tlemcen et à plusieurs semaines culturelles inter-wilayas partout en Algérie.
Puisque vous en parlez, est-ce facile pour un chanteur actuellement de vendre ses produits ?
Tous les chanteurs ne sont pas logés à la même enseigne. Les anciens comme Aït Menguellat, Idir et beaucoup d’autres font des merveilles artistiques, et leurs produits se vendent déjà difficilement, alors que pour les nouveaux, comme moi, c’est plus difficile. L’internet ne facilite pas les choses, car pourquoi acheter un CD quand on peut télécharger des centaines de chansons pour 50 DA ? Si ce n’est pas l’amour que j’ai pour la chanson, j’aurai abandonné depuis longtemps. Mais, c’est naturel ! Ce n’est pas donné à tout le monde de réussir du premier coup. Ceux qui insisteront, arriveront sûrement. Les exemples ne manquent pas.
Que faut-il à votre avis pour un jeune chanteur pour se faire un nom et s’imposer sur la scène artistique ?
Le talent et le travail, et surtout beaucoup de persévérance ! Il y’a aussi les moyens qui s’avèrent d’un apport important et non négligeable de nos jours. Pour réussir vraiment, il faut avoir certaines qualités et un certain géni artistique qui ne se vendent pas sur le marché. Toujours est-il que la persévérance et le sérieux peuvent, à eux seuls, vous hisser très haut. Les anciens, comme Slimae Azem, Cheikh El Hasnaoui, Chérif Khedam et Allaoua Zerrouki n’avaient pas de moyens au début de leurs carrières, mais leurs chansons demeurent à ce jour des chefs d’œuvres, car ils ont mis beaucoup de cœur pour les composer.
Parlez-nous de vos chansons et votre musique
Comme tous les chanteurs, je chante sur les choses de la vie : l’amour, le social, la misère, l’identité et le sport (MOB et JSK). Je varie les styles pour toucher toutes les franges du public : le folklore, le chaabi, l’oriental….
Un dernier mot ?
Tout d’abord, j’espère que j’ai répondu à toutes vos questions, et puis je souhaite que mes albums plaisent à tout le monde et spécialement aux jeunes.
Que chacun puisse se retrouver et trouver son goût dans ces produits. Je tiens à remercier spécialement mes amis, Belka Mouloudji, Braham Karja et Nacer qui m’ont beaucoup aidé. Je lance un appel aux autorités pour s’occuper plus de la frange juvénile, en mettant à leur disposition plus de moyens, notamment en construisant des enceintes culturelles partout. Merci à votre quotidien pour l’intérêt qu’il accorde aux jeunes chanteurs. Enfin, je souhaite que l’art sous toutes ses formes, prenne plus d’espace et remplace toute forme de mépris qui gangrène les sociétés.
Saïd. M
