Assif N’Sahel qui est pris en sandwich par les deux chaînes de montagnes, celle du Djurdjura du côté Nord et de Chréa du côté Sud, est, en fait, un collecteur géant de tout ce qui est liquide.
Il s’étend de la sortie Est de Bouira (Assif N’Dhous) jusqu’à la limite entre la wilaya de Bouira et de Béjaïa à Chorfa sur 55 kms, pour prendre ensuite en amont le nom d’Assif Soummam. Toutes sortes de matières liquides sont drainées par des centaines de ravins, ruisseaux et ruisselets, dont le point de chute est l’Assif N’Sahel. Parmi ces matières liquides, on trouve essentiellement l’eau des pluies et crues, celle provenant de la fonte des neiges ou des sources naturelles, ainsi que les rejets d’assainissement des dizaines de villes, villages et agglomérations composant la daïra de M’Chedallah et celle de Bechloul. Depuis le démarrage, en début décembre, de la saison d’oléiculture qui entraîne automatiquement l’entrée en activité de plus de 150 huileries implantées en divers points de ces deux daïras, leurs rejets, la margelle en l’occurrence (Amouredj en Kabyle), une matière des plus polluantes, est venue renforcer le débit de toutes ces matières liquides achevant de porter un coup fatal à l’environnement de diverses manières. La première étant la pollution des nappes phréatiques proches de la rivière Assif N’Sahel des deux côtés des berges, ensuite la margelle ayant une large composante d’acide détruit systématiquement le tissu végétal qui garnit les deux berges de la rivière et les surfaces non inondées de son lit. Une végétation qui réduit sensiblement l’effet de pollution, des rejets d’assainissements et celui de l’érosion des impressionnantes crues. Ce tissu végétal est un véritable «ouvrage naturel» dénommé par les forestiers, correction torrentielle. L’effet destructif de la margelle sur la végétation est facilement vérifiable au niveau de nombreux points de sa stagnation. En effet, aucune plante ne pousse sur ces surfaces. Même le grignon (Amgrouch), deuxième composante du rejet des huileries, produit le même effet de destruction sur la végétation sachant que ces huileries sont de type et à caractère industriel en pleine activité durant 4 mois chaque année. Il est facile de se faire une idée quant à leurs répercutions négatives sur l’environnement le long du parcours de 150 kms, sachant qu’Assif Soummam fait jonction avec celui de Sahel. Il reçoit le double du volume de margelle, et ce, du fait que le même nombre d’huileries, sinon plus dans la wilaya de Bgayet, y déversent à leur tour leurs rejets, le tout termine sa course dans la mer. À l’heure actuelle, avec ces huileries qui tournent à plein régime, le cours d’eau d’Assif N’Sahel a complètement changé de couleur en virant au noir foncé. Tous les usagers de la RN5 auront remarqué ce changement plutôt spectaculaire de la couleur d’Assif N’Sahel. Il convient de souligner sur un autre volet que des dizaines d’espèces animales, tant sauvages que domestiques, viennent se désaltérer dans ce cours d’eau, ajoutées aux espèces aquatiques qui y vivent, telles les grenouilles, les crabes et les poissons. Le tout subit les mêmes retombées de cette importante pollution au même titre que les non moins importantes nappes phréatiques atteintes de plein fouet. À souligner qu’à chaque fois que la presse écrite évoque cette catastrophe naturelle d’envergure produite sur Assif N’Sahel, l’on se presse de dépoussiérer le dossier du projet de réalisation de deux stations d’épuration au niveau de cette rivière, dont les assiettes retenues pour recevoir ces stations, la première au lieu-dit achadhoukh, à proximité de Raffour dans la commune de M’Chedallah, la seconde à Toghza dans la commune de Chorfa. Des projets inscrits sur pression de la population et retenus, depuis 2009, n’ont jamais vu le jour, en faisant un peu de bruit pour calmer les esprits avant de le replonger de nouveau au fond des tiroirs. Voilà un dossier qui doit focaliser l’attention des innombrables associations qui se qualifient exagérément de protectrices de l’environnement, et cela au même titre que le reste du mouvement associatif, les partis politiques, les élus locaux notamment, et enfin la société civile en général. Tout le monde est interpellé par cette effroyable catastrophe naturelle à grande échelle et ses répercutions sur la santé publique. Rappelons que le grignon, une autre composante des rejets des huileries, plus nocif que la margelle qu’on déverse par chargements entiers en bordure ou dans le lit de cette rivière, était recyclé du temps de l’occupation Française par les colons fermiers dans la fabrication de savon en morceau, mais aussi dans la composante des aliments de bétails ruminant.
Oulaid Soualah

