Acif Agrioune a changé de couleur

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En plus du rejet par les municipalités limitrophes de leurs ordures ménagères directement dans l’Oued Agrioune, les huileries de la région accentuent le problème en y déversant leurs margines. Chaque année, surtout durant la période qui s’étend de novembre à janvier, les eaux de l’Oued Agrioune changent de couleur et deviennent noirâtres. Toutes les huileries activant dans la région, déversent leurs margines directement dans cette rivière sans aucun traitement préalable. L’une des plus importantes activités économiques en Kabylie, sinon l’unique, est sans aucun doute la production de l’huile d’olive ou l’huile kabyle. Mais, cette activité est-elle sans danger sur l’environnement et la qualité des sols ? De nos jours, avec la promotion des vertus bénéfiques pour la santé de l’huile d’olive, sa consommation et son prix ne cessent d’augmenter et, par conséquent, la culture et la production croissent constamment. L’intensification de la culture de l’olive, et avec elle, la prolifération des oliveraies présentent déjà de graves problèmes environnementaux avec principalement une forte érosion des sols qui les accueillent. La pulvérisation de pesticides et le fumage de ces terres avec des engrais altèrent, également, la qualité des sols et des nappes phréatiques situées dans les environs. Mais, le problème majeur découle de l’incapacité d’élimination des eaux usées particulières nommées margines rejetées durant l’opération d’extraction de l’huile. Le problème des margines ne se posait pas encore il y a quelque temps en arrière. Les quantités d’huile d’olives produites alors de manière traditionnelle étaient bien moins importantes que les quantités actuelles. La nature pouvait donc absorber et épurer les déchets de la production d’huile d’olive. L’apparition des huileries modernes a apporté avec elle de nouvelles méthodes d’extraction de l’huile d’olive permettant d’extraire un maximum d’huile, mais, elles produisent aussi plus de margines que les méthodes traditionnelles. Dans cette région, les margines sont le plus souvent rejetées directement dans des récepteurs naturels comme les cours d’eau. Elles colorient les eaux, et leur forte charge organique exige une forte consommation d’oxygène entraînant un appauvrissement de ces eaux et par de-là l’asphyxie de la faune et de la flore qui y vivent. La très forte charge en matières organiques empêche ces eaux de s’auto-épurer et la pollution peut s’étendre sur de très longues distances, et dans notre cas, atteindre la Méditerranée où se jette l’Oued Agrioune. Même, épandues sur les sols, les margines réduisent la qualité des terres, car elles contiennent des substances toxiques qui s’y fixent pour longtemps. Avec toutes ses influences néfastes sur la nature, la culture de l’olive constituerait, dans peu de temps, un problème majeur en Algérie et, à un degré plus accru, en Kabylie. Si l’État ne se décide pas rapidement à imposer des règles strictes aux propriétaires d’huileries, notamment, en les obligeant à investir dans la construction de bassins de décantation, ou, en construisant une grande station d’épuration, les dégâts environnementaux seraient considérables, ce qui affecterait, en premier lieu, cette même culture de l’olive, soit en l’affaiblissant ou en l’anéantissant.

Saïd M.

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