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Exposition de livres à la Maison de la culture

Parmi les auteurs algériens dont les oeuvres sont exposée à la Maison de la culture de Bouira, nous avons compulsé rapidement quatre d’entre eux pour en parler brièvement : Jean Amrouche, Mouloud Mammeri, Mouloud Feraoun et Youcef Nacib.

Ce choix a obéi plus à un coup de cœur qu’à toute autre considération littéraire ou poétique. Il pourrait être contestable. Nous en prenons le risque.

Jean Amrouche, intervieweur infatigable

Quiconque, élève ou adulte, -il aurait mieux valu être élève qu’adulte, car ces manuels intitulés le français par les textes avaient servi dans ce collège jusqu’à la disparition de l’appellation CEG et son remplacement par CEM- quiconque, élève ou adulte, disions-nous, qui avait eu ces formidables livres n’auraient pas seulement profité de la qualité littéraire des textes qu’ils proposaient en lecture et de méthodes d’enseignement moderne du français. Ils auraient connu de grands écrivains comme Pierre Benoit, Saint Exupéry, Colette, René Pesquidoux…et Jean Amrouche. Ce dernier figurait dans les dernières pages consacrées aux poètes comme Victor Hugo, Rimbaud, Le conte de Lislie…C’est un poème sur l’Algérie dont les vers se sont estompés avec le temps. L’interview de Paul Claudel par Jean Amrouche et qui a donné lieu à un livre de poche de plus de quatre cents pages n’a pas été plus épargné. Claudel et Mauriac étaient les amis de Gide. Et Jean prêtant à ce jeu journaliste n’a pu interviewer l’auteur de ‘’Le soulier de satin’’ et ‘’Tête d’or’’ sans le faire aussi pour les deux autres écrivains. Mais dans ‘’Mémoires improvisés’’, on retiendra la profonde richesse culturelle de Amrouche qui, à aucun moment, n’a semblé en peine devant le poète et écrivain génial. La seule fois où il a donné l’impression d’être dépassé c’est lorsque Claudel s’est mis à parler de sa généalogie. Là même, le lecteur a du mal à suivre. Il s’agit d’un domaine particulier même s’il se rattache à l’histoire de France. A l’exposition, le seul ouvrage de Jean Amrouche étalé est le suivant : ‘’Chants kabyles et berbères’’ : Le livre s’ouvre au hasard et le chant s’échappe : Emporté par le vent de la révolte,/Mon enfant fuyait sur les routes. /Les gendarmes l’ont arrêté.

Mououd Mammeri et Mouloud Feraoun, deux phares sur la rive

Mouloud Mammeri est un écrivain prolixe. Sa prose et son vers ont l’éclat et la dureté du verre. Sa mort rappelle celle de Camus. Peut-être par sa plume aussi. De retour du Maroc, il percutait un arbre. Ses livres exposés, ce mardi, à la Maison de la culture ont pour titre ‘’Les isefra de Si Mohand et Poèmes kabyles anciens’’. «Le dattier porte des dattes/ Car telle est la racine/ Tel est l’arbre», chante-t-il. Le plus classique des écrivains algériens, le plus génial aussi, celui qui avait connu Camus et s’était assez lié avec lui est présent à cette exposition grâce à son livre culte ‘’Le fils du pauvre’’ (traduit en Mmis n’igellil). Sa traduction en Tamazigh a fourni l’occasion à notre confrère Nait Messaoud de la Dépêche de Kabylie d’écrire un article à ce sujet qui figure sur la dernière page de couverture en guise de présentation. Voici la première phrase de cet article: «Dans cette entreprise de réhabilitation de la langue berbère en général et du kabyle en particulier, qui mieux que l’œuvre de Mouloud Feraoun se prête à la traduction ? Dans une de ses lettres à ses amis, l’auteur du ‘’Fils du pauvre’’ raconte sa joie en recevant une lettre de Gallimard qui lui fait signe de se rendre en France pour la parution de son prochain livre. Il demande alors à Camus de surseoir à son départ pour le Sud de l’Algérie, mais trop pressé ce dernier n’a pu accéder au désir de son ami. Lettre, fort enjouée qui n’est pas sans rappeler celles de Voltaire lui-même, qui sur ce plan-épistolaire naturellement- en remontrerait à Mme Sévigné elle-même. Ne dit-on pas que l’heureux rival de Rousseau, s’il est passé à la postérité c’est surtout à ses trente mille lettres qu’il a laissées ? Il correspondait avec tous les hommes illustres de son temps !

Youcef Nacib et la poésie saturnienne Notre étonnement est sans limite devant le nombre de livres écrits par cet homme modeste.

À l’exposition, il y en avait au moins trois ou quatre. Le premier a pour nous un air de déjà vu : Proverbes et dictons arabes. Le livre est nouvellement édité. La photo de couverture a disparu. Elle représentait la mère de l’auteur, aujourd’hui disparue. Il s’agit cette fois d’une réédition. Le sentiment, quand on a l’autre recueil et qu’on le lit, est que toute cette poésie et toute la sagesse de Kabylie, Youcef Nacib les a puisées dans l’enseignement maternel. Il y a encore cette biographie de Slimane Azem intitulée ‘’Le maître et le rebelle’’. «Le poète sera le pionnier de la revendication culturelle amazighe», écrit-il à ce propos dans sa préface. Dans son panorama de la poésie kabyle qui est une anthologie littéraire de langue amazighe, l’écrivain fait une longue comparaison entre Si Mouh ou Mohand et Verlaine dont il cite deux poèmes célèbres : «De la musique avant toute chose» et «Les sanglots longs». Que cherche-t-il en rapprochant le poète kabyle de l’auteur des Poèmes saturniens ? À montrer que les deux maîtres du vers classique ont le même sens du rythme et le même génie qui leur permet de forger dans le bronze des vers éternels. Enfin, il y a cet autre recueil, Poésies mythiques kabyles. Hommes d’une grande culture et écrivain doué d’une grande sensibilité il va chercher l’inspiration dans le vaste patrimoine culturel kabyle.

Aziz Bey

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