Artiste atypique au parcours singulier, CheikhNoureddine, puisque c’est de lui qu’il s’agit, né en 1918 au village d'Aguemoun, dans la commune de Larbaâ Nath Irathen, était le fils de Si Mohand Tahar Ouguemoun, instituteur du village.
Cheikh Noureddine fréquente l’école coranique jusqu’à l’âge de 16 ans. En 1935, il débarque chez son frère, Mohamed Noureddine, à Alger, où il est embauché comme serveur dans différents établissements. En 1936, alors qu’il chantait en faisant la vaisselle dans une gargote, Meziane avait été remarqué par le directeur de Pathé Marconi, qui réside non loin de là et lui propose d’enregistrer ses chansons. Il chante pour la première fois «Anfy’ad rur» et «A xali xali». Deux ans plus tard, il enregistre son premier disque, composé de 12 chansons : «Allo triciti», «Anfiy’ad rur», «A xali xali», «Yelis t murth». Quelques mois plus tard, il contribue à la fondation d’une chaîne kabyle, par ses émissions, ses sketchs et ses chansons. En 1960, il publie aux éditions du Seuil «Un Algérien raconte». Il est pour, ainsi, dire le père fondateur de la radio kabyle (aujourd’hui chaîne II). Il a été pendant plus d’un demi-siècle au carrefour de la chanson satirique, du théâtre radiophonique, de nombreuses émissions et du cinéma algérien. Cheikh enregistra plus de 500 chansons dont plus de 96 en duo avec feu Slimane Azem. C’est dire que le duo infernal a été fécond. Doué d’un don poétique et d’un génie musical, il crée le premier orchestre populaire kabyle avec Cheikh Arab Ou Yakoub et les célèbres musiciens Cheikh Namous, Sid Ali Ahmed Medjdoul, Hadj Menouar ; formation qui a permis à plusieurs chanteurs, tels que Youcef Abdjaoui, Kamal Hamadi, Mohand Rachid, Meziane Rachid, d’affirmer leurs dons et d’enrichir, par leurs enregistrements en studio, la discothèque de la chaîne II. «Féru» de culture châabi, il compose et écrit le texte du tube de l’époque sur le mouloudia club d’Alger (MCA), interprété par le regretté Hadj M’rizek. Durant plusieurs années, il a écris et joué le rôle de la vieille dans les pièces théâtrales avec Mohamed et Saïd Hilmi, Ali Abdoun (décédé), Saïd Zanoun, Ahmed Aïmane, Amar Ouyakoub (décédé), et beaucoup d’autres comédiens. Il a produit de nombreuses émissions radiophoniques, notamment la célèbre Khalti Aâdouda, et créé l’émission «Les chanteurs de demain» en 1956. Il a côtoyé les grandes vedettes de l’époque, comme El Anka, Mokrane Agawa, Cheikh Sadek Abdjaoui. Il a animé durant bien longtemps, une formation de chants religieux nommée «La Mohamadia». Durant l’année 1972, il monte à Paris et collabore avec Slimane Azem. Il enregistre, en duo, plusieurs chansons à thèmes satiriques et de critiques sociales. Avec Rouiched et Hassan El Hassani, Cheikh Noureddine était l’un des acteurs fétiches de Lakhdar Hamina, notamment. Il a joué dans «Les hors la loi» de Farés Tawfik (1968), «La patrouille de l’est» de Amar Laskri (1970), «Chronique des années de braises» de Lakhdar Hamina (palme d’or au Festival de Cannes en (1975), «Chebka» de Bendedouche (1977), «La dernière image» de Hamina (1979), «Chant d’automne» de Yala Meziane (1982), «Elise ou la vraie vie» de Michel Drach avec l’actrice Marie-José Nat (1982), «Les chevaux du soleil» tourné en Espagne avec la regrettée H’nifa et relatant la vie d’El Mokrani (non projeté à ce jour en Algérie) et «Tahya ya Didou» de Zinet. C’est en somme un artiste aux multiples facettes. Il a été poète, chanteur, compositeur et écrivain. Il a lancé beaucoup d’artistes des deux sexes et il n’en tirait pas gloriole. Il ne s’en ventait pas. Cependant, Cheikh Noureddine a connu son plein épanouissement avec Slimane Azem avec qui il a formé un couple bien assorti. À eux deux, ils ont réalisé des duos à vous faire pleurer de rire, à la fois par la parole, la musique et la chanson. Ils jouaient pendant des heures, sans qu’ils aient eu besoin de se préparer. La comédie était dans leurs gènes, dans leur nature. Ce duo a la complicité inénarrable. Ils se comprenaient au doigt et à l’œil. Il avait marqué son époque par des sketchs chantés ou pas. «Dites-moi mes amis», «Souq el khalath», «Taqbaylith atigejdith» et tant d’autres pièces de renoms. Cheikh Noureddine meurt en août 1999 à l’âge de 81 ans, laissant à la postérité une œuvre colossale qui témoignera, pour l’éternité de l’homme au talent incommensurable et à la sensibilité à fleur de peau.
Sadek A. H.