Oued Ighzer Amokrane à l’agonie

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Oued Ighzer Amokrane, dont on a tant loué la splendeur et vanté les vertus, n’est plus que l’ombre de lui-même. Ceux qui ont encore souvenance de ses crues hivernales, impétueuses et fantasques, de ses eaux cristallines et de son lit immaculé et vierge de toute pollution, sont glacés d’épouvante, tant le contraste est saisissant. «On se servait de son eau pour faire tourner les moulins, irriguer les cultures maraichère et céréalière, ainsi que les oliveraies et les figueraies. En période de chaleur, les jeunes investissaient le site pour y faire trempette et taquiner le goujon», se remémore avec des relents d’amertume, un sexagénaire du village Khenfor, dans la vallée de la Soummam. L’aridité du climat et la bêtise humaine se sont, pour ainsi dire, liguées pour porter le coup de grâce à cette merveille de la nature.Des cimes du Djurdjura, où il prend sa source, jusqu’à sa jonction avec Oued Soummam, dont il est l’un des principaux affluents, cet écosystème, autrefois captivant et foisonnant de vie, s’est métamorphosé en une enfilade de poches cloacales. Un décor des plus repoussants, où des dépotoirs immondes font bon ménage avec des rejets pestilentiels, ruisselant à ciel ouvert. Des monticules de terre, de gravats et autres déchets inertes, achèvent de défigurer le site.

Mais l’action perverse de l’homme ne s’arrête pas là. Tant s’en faut ! Dans un élan de profanation qui ne dit pas son nom, on a allégrement empiété sur le lit majeur du ruisseau. Des aires de stationnement et des plantations arboricoles, délimitées par des palissades de fortune, fleurissent sur les deux rives. On a poussé l’outrecuidance jusqu’à y ériger des constructions en dur. Une entreprise aussi incongrue qu’insensée, car autant prendre ses quartiers à proximité de la bouche d’un volcan endormi. «On ne se livre pas impunément à ce genre d’outrage. Les gens ne réalisent, sans nul doute pas, que la nature finira tôt ou tard par reprendre ses droits», lance à la cantonade, un riverain averti. Un scenario d’autant plus vraisemblable, estime-t-il, que l’écoulement naturel du ruisseau est contrarié en plusieurs endroits par une végétation profuse. Il est vrai que, pour l’heure, le cours d’eau ne coule que timidement et par intermittence. Ce qui n’exclut pas, pour autant, que des pluies copieuses viendraient en gonfler démesurément les flots, lesquels emporteraient tout sur leur passage.

N. Maouche

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