Quand les premières notes du mendole s’élancent dans l’air, comme une brise en pleine canicule, le tempo nous prend et c’est toute notre âme qui est aspirée par l’univers du chanteur Rabah Tamiti. Le temps s’arrête dès la première note.
Après trois ans de travail, deux albums arrivent comme le mets que vous attendiez depuis des heures, affamé devant une vitrine garnie de nourriture. La voix douce et succulente du chanteur nous transporte, dans un monde à part, celui ou règnent à jamais les immortels Dahmane El Harrachi, Chikh El Hasnaoui, El Hachemi Guerouabi, M’hemed El Anka dans un style indétrônable, qui reste un legs indélébile pour les mordus du Chaabi. Le musicien et chanteur, nous livre un véritable régal de 19 chansons dans deux albums, à travers lesquels il invite ses fans à un beau voyage musical. Pour un périple plein de surprises accompagné d’un autre grand artiste Aït Ikni Boualem pour une contre voix explosive représentant un bel exemple de créativité escorté par une voix féminine la perle du Djurdjura, la chanteuse DjiDji. Alors qu’il parvient à une plus grande maturité artistique, après une éclipse de plus de trois années tenant forcément son public en halène, l’artiste qui est à son huitième ouvrage annonce sa passion du rythme et de la mélodie qu’il pousse à ses belles extrémités avec une inspiration profonde sillonnant entre les sources du patrimoine berbère et les apports universels contemporains et tente de nous faire naviguer dans divers univers, où chaque titre offre un tableau différent à l’auditoire. «La chanson Kabyle est un repaire musical qui n’a pas d’égal, une voix lointaine de nos aïeux, un écho d’une brillante culture, une sagesse jamais démentie, une mystique et une philosophie. C’est aussi une expression, une vision d’une vie, d’une époque déterminée et marquée par l’éternel label des monstres sacrés du verbe et de la musique, à l’instar de Slimane Azem, Lounes Matoub et bien d’autres qui ont fait d’elle un cheval de bataille pour hisser le drapeau de Thamazight au plus haut des mats, loin de toute idée visant un fond de commerce. Aujourd’hui, nous ne pouvons qu’être fier de notre engagement pour l’épanouissement de notre langue maternelle, qui connait au fil des temps une reconnaissance inconditionnée de la part des pouvoirs publics», souligne l’artiste qui a consacré une magnifique chanson à la constitutionnalisation de tamazight «Thanekra Bagraw», à titre posthume Amendil (le foulard), tout en saluant de passage la JSK «Awragh D W adal» (Jaune et vert). Empreint d’une sérénité et d’une douceur sans pareille, Da Rabah s’inspire d’une réalité vécue par fois d’un quotidien amer d’une société frappée par l’intégrisme aveugle et la prolifération des fléaux sociaux qui poussent telle une herbe folle en plein printemps et des fois il nous livre des sentiments amoureux qu’il dépeint grâce à sa voix purement mélodieuse qui nous enveloppe d’une étoffe chaleureuse avec ses mélodies, comme pour nous protéger de l’hiver, à travers des textes qui nous vont droit au cœur et rappeler que l’orage est éphémère et laissera inéluctablement la place à l’espoir. Ce nouvel ouvrage, qui est depuis jeudi dans les bacs, est paraphé par une force du verbe inégalée, un réel chef-d’œuvre que l’artiste offre à son nombreux public aussi passionnant pour la qualité de ses mélodies que pour ses textes à la fois lucides, subtils et engagés. L’exemple d’un artiste qui avance encore un peu plus à chacun de ses albums, tout au long d’une carrière pendant laquelle il est resté fidèle à son registre musical singulier, intime envers ses engagements. Da Rabah a tressé des lauriers bien chauds aux mordus du style Chaabi et signe un retour triomphal sur les devants de la scène musicale et étend son champ d’interprétation en cocktail de joie (Elfarh, Assa Tameghra), d’amour (Sligh Assagui, Amek am inigh, Thawerdhet, Elhob d’aderghal…, politique avec (Anda aka a lzayer), ironie de sort avec (Nchab ur yedhlim hed) et enfin un grand hommage au chantre Slimane Azem comme cerise sur le gâteau. Une manière pour l’artiste de rendre hommage au pays de ses racines, de ses ancêtres, lui qui n’a pas hésité à confier que lorsqu’il se trouvait à l’étranger, son cœur ne battait que pour les siens.
Rabah Zerrouk

