Une tragédie muette

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La violence subie par les personnes mineures dans la wilaya de Béjaïa, épouse des contours hallucinants. Bien souvent, elle est le fait des parents, autrement dit des personnes sensées devoir veiller à la protection et à l’épanouissement de ces frêles créatures. Des actes aux séquelles incommensurables et sur lesquels pèse une sorte d’Omerta, car ayant généralement pour théâtre l’intimité des chaumières. «Des centaines d’enfants sont victimes de brutalité et de maltraitance», apprend-on auprès d’un service de la police judicaire de la région d’Akbou. «Les cas de violences sur les enfants sont en constante augmentation», confesse une psychologue clinicienne, officiant en milieu scolaire dans la daïra de Sidi Aïch. Un psychiatre d’Akbou estime qu’ «il est malaisé d’avoir une statistique exhaustive de ce phénomène, car très peu de cas sont déclarés. Néanmoins, il sonne le tocsin. La violence est ancrée dans les mœurs et l’enfant en est la première victime. Il est urgent de prendre la mesure de ce problème, car il y va de la cohésion et de la stabilité sociale». Il ne faut pas oublier, ajoute-t-il, «que toutes les formes de violence ne sont que la suite d’un traumatisme psychique que la société a enduré». La violence physique et les mauvais traitements comptent parmi les plus récurrents. «La violence physique est celle qui se voit, celle que l’on porte et pourtant, elle n’est pas forcement la plus signalée, car de nombreux parents battant leurs enfants, considèrent cette pratique comme normale. Ils sont souvent des adultes immatures, anciennement battus, psychologiquement fragiles et volontiers sujets aux abus», dispose une psychologue d’El Kseur. L’article 19 de la Convention internationale des Droits de l’enfant, assimile à de la maltraitance : «Toute forme de violences, d’atteintes ou de brutalités physiques et mentales, d’abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d’exploitation, y compris la violence sexuelle». Bien des spécialistes pensent que de nombreux parents ne font pas le distinguo entre autorité et autoritarisme. «L’autorité parentale s’exerce dans un cadre éducatif, basé sur un ensemble de droits mais également de devoirs que les parents ont à l’égard de leurs enfants mineurs, alors que l’autoritarisme correspond à l’attitude de la personne qui contraint physiquement et/ou psychiquement les enfants qu’elle commande», rappelle un psychologue d’Ighzer Amokrane. «Cette distinction est importante, car nous constatons dans notre société une confusion totale entre ces deux concepts», précise-t-il. Une autre violence se constitue de négligences lourdes. Elle comprend un défaut d’alimentation, de soins, d’hygiène, de surveillance et de protection. On fait aussi état d’autres formes de violences, à l’image des violences psychiques qui comprennent les actes de sadisme, de cruauté morale, d’humiliation, de brimade, de rejet, de refus affectif, d’exigences non adaptées à l’âge et au développement de l’enfant. «Face à ce flux qui tue l’avenir de notre nation, il est de notre devoir et celui des pouvoirs publics de trancher la question de manière sérieuse et ne pas se contenter d’adopter des lois répressives qui ne règlement pas grand-chose», clame un médecin scolaire de Sidi Aïch. Pour ce toubib, la solution passe par une étude scientifique du phénomène de la violence. Une mission à confier, souligne-t-il, «à une commission pluridisciplinaire composée de sociologues, psychologues et autres criminologues».

N. Maouche

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