Ceci ne va pas sans créer une ambiance, toute particulière au lieux-dits, Chikh Mohand dans la commune d’Aït Yahia, Chikh Arab à Ath Bouyoucef ou Djeddi Menguellet à Ath Menguellet. Le mausolée de ce dernier se trouve au milieu du aârch qui porte son nom, sur la route nationale reliant Aïn El Hammam à Ath Yenni. La notoriété de ce saint est faite, depuis fort longtemps, dans la région où il est devenu un symbole en matière de justice, de bravoure et de pouvoir. C’est ainsi qu’il arrive que, pour se départager, les protagonistes d’un conflit, au lieu d’aller au tribunal, se rendent à Djeddi Menguellet et, devant témoins, y donnent chacun sa version des faits, tout en ayant la main posée sur une sorte de bahut recouvert d’une étoffe “erdha”.
Affluence record à l’Achoura Le fourbe subira la malédiction du saint dont le nom, par un respect religieux, est toujours évoqué, suivi de la formule consacrée “El maârouf”. Les visiteurs viennent, ici, à longueur d’année pour faire des offrandes et demander la bénédiction pour eux ou leur descendance. C’est surtout, à l’occasion de l’Achoura que nous assistons à une affluence record de gens venus de partout, visiter ce saint dont la renommée dépasse les frontières de la wilaya.Les lieux qui occupent une grande superficie, laissent penser qu’ils sont conçus pour recevoir beaucoup de monde et, c’est en connaissance de cause que les habitants de Taourirt, village à qui revient l’honneur d’organiser les festivités, se mobilisent, plusieurs semaines avant le jour “j” afin d’accueillir “leurs invités”, comme ils aiment les appeler, dans de bonnes conditions. Il y va, de toutes façons de leur réputation qu’ils doivent sauvegarder. Pour cela, tous, bénévolement et pour la baraka seulement, mettent “la main à la pâte”, en assurant le service d’ordre ou une autre tâche à même de contribuer à la réussite de l’évènement. En dehors de la piste affectée aux troupes de Idhebalen et à la danse, domaine exclusif des hommes, de nombreux locaux telles que la cuisine, les salles de restauration… sont aménagés afin de faire face à des milliers de personnes qu’il faut canaliser, nourrir et même héberger car, certains, venus de loin, émettent le désir de rester sur place, deux ou trois jours. Dès leur arrivée, les pèlerins ou “ezzyar” commencent, inévitablement la visite du site par la “koubba”, un local à deux portes, où se trouve la boîte destinée à recevoir les dons en espèces et c’est là aussi qu’ils doivent satisfaire au rituel de “erda” qui consiste à passer sur son visage, une étoffe posée sur le bahut qui trône au milieu de la pièce.Nul n’est tenu de faire une offrande. Le fait de se présenter au temple est, en soi suffisant pour bénéficier des faveurs de Djeddi Menguellet.
À la recherche de la fertilitéC’est là, aussi que les gens promettent de revenir l’année suivante, avec des dons consistants, si leur demande venait à se réaliser alors que ceux dont les vœux ont, déjà été exaucés, par le passé, arrivent, exhibant fièrement, en guise d’offrande un bouc, un mouton ou un bœuf, pour les plus aisés. Pour “alewli”, lorsqu’on dépense, on ne compte pas. Même si, ce sont les hommes qui se chargent d’acheminer les bêtes et autres dons, ce sont, en général les femmes dont le nombre est plutôt impressionnant, qui se chargent de solliciter “le gardien du temple”. Les sollicitations sont aussi nombreuses que variées, suivant les “besoins” de chacun. Les vieilles demandent protection et prospérité pour leur progéniture ou guérison pour les malades. Les femmes stériles cherchent la fertilité, les jeunes filles, un mari. Quant aux hommes, sans l’avouer publiquement, ils caressent le secret espoir de faire fortune.Si, mû par la curiosité, vous demandez des explications sur ces croyances, si bien ancrées chez les gens, il s’en trouvera plus d’un pour vous vanter les pouvoirs de Djeddi Menguellet, et ne vous avisez pas de les contredire. C’est l’occasion pour qu’on vous débite des histoires de malades guéris, ici, alors que les médecins les avaient déclarés incurables ou encore, d’autres miracles qui se sont produits grâce au maître des lieux. Il paraît que les exilés “imajahen” rentrent sans tarder, à la maison, après un appel fait par leurs proches, par l’une des fenêtres du mausolée.Du point de vue restauration, la cuisine fonctionne sans discontinuer afin de satisfaire cette marée humaine. Les bœufs et les moutons offerts sont abattus sur place, pour être servis aux visiteurs. De très bonne heure, les femmes s’affairent autour des marmites et des couscoussiers géants afin d’être à l’heure car dès onze heures, les hôtes se mettent à table pour se rassasier de l’incontournable couscours garni accompagné de morceaux de viande, bien sûr.Le volet animation n’est pas négligé puisque les présents ont l’occasion de se défouler grâce à la présence d’une ou deux équipes d’ “idheballen” dont la musique est répercutée par des haut-parleurs qui l’envoient aux quatre coins du aârch, deux ou trois jours de suite.En dehors de l’aspect sacré de la fête, Djeddi Menguellet offre l’occasion aux gens de se retrouver, converser ou simplement se défouler. Certains, après une visite, pensent y avoir trouvé bien-être et sérénité pendant que d’autres, n’y voient qu’une occasion de plus pour s’amuser. Tous en reviennent satisfaits et promettent de revenir l’année suivante.
Nacer B.
