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Les pistes agricoles laissées à l’abandon

Censées sortir les villages de l’isolement, les pistes agricoles ouvertes depuis des lustres, sont laissées à l’abandon à telle enseigne que celles-ci sont devenues des sentiers gagnés par les buisson et rétrécis par les éboulements à répétition.

Cette situation tend à se pérenniser sans que les responsables locaux ne bougent le doigt. Notant que la majeure partie de ces pistes sont ouvertes au début des années 90, mais force est de constater que trois décennies après, le résultat est alarmant. En raison de l’importante pluviométrie et des chutes de neige au fil des ans, ajoutées à peu d’opérations d’entretien, la majorité des pistes agricoles ont connu des dégradations qui les ont rendues inutiles et impraticables. L’ouverture de ces pistes en divers points du vaste et montagneux territoire de la commune de Chemini à vocation agro-pastorale, a été accueillie avec un vif intérêt et un grand soulagement par la population de l’ensemble des villages de cette localité. Dans cette région au relief fort accidenté ce projet d’aménagement de pistes est une opération hautement stratégique et surtout d’une inestimable utilité. Ces pistes permettent de mettre en valeur des terres agricoles dites de montagne, avec d’importantes incidences sur le développement local, et par ricochet sur le niveau de vie de ces populations semi-sédentaires. La preuve qui se passe de tout commentaire et la plus tangible quant à l’intérêt que portaient les citoyens à ces pistes, est la forte mobilisation de ces mêmes citoyens, lors de leur aménagement. Ces derniers ont, en effet, suivi pas à pas l’avancement des travaux et chacun tenait à ce que les pistes passent à proximité de ses terres, cela pour des raisons évidentes de son utilisation pour la reprise des travaux agricoles. L’importance capitale que revêtent ces pistes aux yeux des paysans s’explique par le fait que de tels aménagements vont forcément revaloriser leurs parcelles de terre tout en leur permettant de les cultiver et d’entreprendre divers travaux. Ces campagnards ont dû se séparer, la mort dans l’âme, de leurs bêtes de somme (ânes, mulets, chevaux, bœufs) au même titre que le reste de leur cheptel, faute de ne pouvoir les prendre en charge. Tous les travaux agricoles se font à l’aide de ces bêtes : les labours et le transport des produits agricoles dont les sacs d’olives qu’il faut déplacer sur de longues distances, sur des chemins escarpés pour atteindre les routes carrossables. L’ouverture de ces pistes a été à l’origine d’une reprise fulgurante des activités agricoles durant tout le temps qu’elles étaient praticables. Mais hélas, le bonheur de ces milliers de petits paysans a été de courte durée. Aucune de ces pistes n’a résisté plus de deux années à la furie des éléments naturels et aux attaques répétées et violentes des conditions climatiques, qui se caractérisent par des pluies diluviennes et d’importantes chutes de neige. À cela s’ajoute le bâclage des travaux lors de la réalisation de ces pistes, chose remarquable à l’état de dégradation avancée de l’ensemble des ouvrages, aggravée par des éboulements et glissement de terrain en continuel mouvement sur ces hauteurs exposées à une érosion extrêmement rapide. Le constat est saisissant au simple quidam amené à déambuler dans lesdites pistes agricoles. Ces dernières sont légion dans la commune de Chemini comme celles reliant Tidjounane à Boumelal, Taghrast à Ouzellaguen, Aourir à Tighilt, Ilmaten à Ouzellaguen, Imaaliouen à Djenane… pour ne citer qu’un échantillon de la ribambelle de pistes agricoles qui n’ont gardé que le nom. Le peu d’opérations d’entretien de ces pistes achève de les rendre impraticables, provoquant un recul net de l’exploitation des terres agricoles qui enchaînerait sans aucun doute par une nouvelle baisse du niveau de vie des montagnards, et cela, au moment où l’État concède des efforts considérables allant même jusqu’à accepter des financements étrangers pour la relance de l’agriculture de montagne. Une relance qui, faut-il le souligner, est conditionnée par l’état des pistes agricoles, sans lesquelles rien ne peut se faire. Ces importantes superficies revalorisées grâce à l’ouverture de ces voies d’accès risquent donc d’être de nouveau abandonnées. Au demeurant, les villageois attendent impatiemment que les autorités locales se penchent sur la nécessité d’aménager convenablement ces pistes. De facto, des retombées positives seront forcément au rendez-vous, pourvu que les responsables locaux fassent des pieds et des mains pour assouvir cette demande aux antipodes.

Bachir Djaider

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