C’est finalement le Premier homme politique étranger et non moins secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies (ONU) qui a donné le coup d’envoi de l’utilisation officielle de la langue amazighe, lors de sa rencontre avec le Premier ministre, M. Sellal, suite à sa visite en Algérie. Une visite, elle aussi, officielle. Il est vrai que M. Ban Ki-Moon n’a eu à ne citer que la formule magique de salutation «Azul fell-ak», mais ce geste hautement significatif à plus d’un titre est mesuré à sa juste valeur, surtout venant d’une haute personnalité politique mondiale. Il est vrai aussi que M. Sellal lui a répondu, mais en second, par la même formule de salutation amazighe. La question que nous nous posons est celle de savoir pourquoi notre Premier ministre a-t-il attendu qu’une personnalité étrangère de cette taille et de ce rang pour se mettre à s’exprimer en berbère ? A-t-il perçu cela comme un «ordre d’application» dans l’usage de cette langue qui vient à peine d’être constitutionalisée langue officielle ? Fallait-il que le Premier ministre attende que M. Ban Ki-Moon le booste et mette bas l’imposant et horrible barrage dressé contre elle naguère ? J’ai remué ce questionnement dans tous les sens pour éclairer ma lanterne, mais sans y parvenir. Rappelons que l’ONU s’est, depuis fort longtemps, intéressée au sort des langues minorées, méprisées et combattues par nombre de pouvoirs autoritaires dans le monde. Une résolution a même été votée pour la protection et le développement des langues des peuples autochtones. En cela, M. Ban Ki-Moon n’a fait qu’appliquer la résolution d’une manière symbolique. Il a été conséquent avec ses responsabilités de Premier responsable de l’Organisation internationale soucieuse de l’état de ces langues. Nous attendons que M. Sellal et tout autre responsable politique du pays, y compris ceux de la négligeable opposition, se mettent de devoir et le temps logique qu’il faut, au labeur de l’apprentissage de la langue amazighe non pas pour son utilisation simplement symbolique mais pour une affirmation vraie. À moins que nos politiciens aient cru à la farce aussi grotesque que son auteur (je veux citer ici cet illuminé «douctour» égyptien) qui a déclaré dans une de ses fatwas, prétendant ainsi qu’il a le contact avec Dieu, que le terme AZUL est kofre, c’est-à-dire parler en tamazight est une atteinte directement à Dieu lui-même. Une véritable hérésie. Mais derrière cette comédie de sentence fétichiste c’est l’âme amazighe enfouie dans sa langue, sa culture, son identité et son histoire plusieurs fois millénaire qui était visée. Bref, passons aux choses sérieuses et gageons que cette onde de choc provoquée par M. Ban Ki-Moon puisse faire redémarrer autrement les battements des cœurs plongés depuis bien des lustres dans un coma profond de haine envers notre langue.
Abdennour Abdesselam