C’en est-il fini des intrusions incultes parasitant le processus de l’officialisation de tamazight ? Permettra-t-on, enfin, à la «science avec conscience» de s’impliquer dans ce processus ? Le Haut Commissariat à l’Amazighité qui enfourche la nouvelle donne constitutionnelle, semble en donner le la en ciblant «la confection des dictionnaires monolingues amazighs», l’une des entreprises essentielles pour considérer une langue comme élaborée. Pour ce faire, il a réuni, depuis samedi, une pléiade d’universitaires, dont des étrangers, avec en arrière fond la garantie et le soutien de la République représentée par le ministre de l’Enseignement supérieur, le représentant du Premier ministre, le wali de Béjaïa et le Président de l’assemblée de wilaya. La présence de ces derniers au lancement du colloque international initié par le HCA signifierait que l’État assume d’une manière concrète l’officialisation de tamazight et est disposé à mettre les moyens qu’il faut pour assurer l’élaboration des variantes de tamazight. Voilà donc que le HCA, cette institution de la République, passe, pour ainsi dire, aux choses sérieuses. L’académie de tamazight, cette autre entreprise en ligne de mire et qui éveille les cinq sens et les ambitions de tant de monde, serait-elle d’une utilité quelconque ? Ne servirait-elle, comme le pense beaucoup de monde, plutôt à domestiquer la langue, à lui imposer une graphie et, à long terme, à fabriquer un tamazight fade sans âme mais unique ? Quoiqu’il en soit, des langues imposent leurs génies sans être arrimées à une quelconque académie. La langue française semble être la plus attachée à cette institution que Pierre Mille qualifie d’«une sorte de musée, mais de personnages encore en vie». Des hommes de lettres français ne comprennent pas son utilité. Beaucoup d’entre eux estiment qu’au contraire, elle freine la dynamique naturelle de la langue. C’est à peu de chose près ce à quoi fait référence Georges Bernanos qui écrivait : «Quand je n’aurais qu’une paire de fesses pour penser, j’irai l’asseoir à l’académie». De toute façon, la confection de dictionnaires monolingues se passe largement des humeurs académiques. Tout comme se passe de cette académie d’autres considérations sérieuses qui participent à l’élaboration de la langue. Passons, donc, aux choses sérieuses, comme on vient de le faire à Aboudaou !
S.O.A.