Les frères Harchaoui ressuscités

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À l’occasion de la célébration de la Journée de la victoire, célébrant la signature des accords d’Évian et l’annonce du cessez-le-feu après plus de sept ans de guerre contre l’armée française et aussi à l’occasion de la fin du deuxième trimestre de l’année scolaire et comme d’habitude ponctuée dans ce collège par une remise des prix aux meilleurs élèves, la direction de CEM Harchaoui de Draâ El-Mizan a préparé un riche programme de commémoration. À noter que c’est la première fois depuis la baptisation de cet établissement, au début des années 80, que les sœurs des quatre frères Harchaoui sont présentes pour non seulement être honorées, mais aussi pour revenir sur l’histoire de leurs défunts frères martyrs. En effet, tout d’abord, la veille, des diplômes d’honneur ont été remis aux 36 élèves qui ont obtenu des encouragements et aux 55 autres élèves récompensés avec des tableaux d’honneur, sous une animation qui a permis à ces élèves de décompresser après un trimestre de labeur. Tout d’abord, ce jeudi matin, l’occasion a été donnée aux parents de récupérer les bulletins trimestriels de leurs enfants. Ensuite, le directeur, M. Arezki Allilèche, lira une allocution devant l’assistance composée des élèves ayant obtenu les prix d’excellence et les félicités, de leurs parents, des moudjahidine, des enseignants de l’établissement, de quelques retraités de cet établissement et évidemment des membres de la famille Harchaoui. « C’est un honneur pour nous de recevoir aujourd’hui parmi nous la famille des frères Harchaoui que porte notre établissement. C’est aussi une fierté d’avoir atteint notre objectif car depuis des années, nous nous sommes fixés comme mission de reconstituer leur histoire. Et Dieu merci avec le concours de tous, nous avons enfin pu réaliser une plaque commémorative qui porte les noms de ces valeureux martyrs. Par ailleurs, je n’oublierai pas de féliciter tous ces élèves montés sur le podium ainsi que tout le personnel qui a veillé à obtenir cet objectif. C’est de bon augure pour un autre bon résultat au BEM, puisque 90% de nos élèves de quatrième année ont eu leur moyenne », ouvrira-t-il cette rencontre d’un ton solennel. De son côté M. Ali Iabadène, président de la kasma de l’ONM locale, reviendra longuement sur cette date historique du 19 mars, en soulignant l’engagement de toute la région dans la guerre de libération nationale en général et de l’ex-commune mixte de Draâ El-Mizan qui a enfanté de vaillants hommes, à l’image des quatre frères Harchaoui, à savoir Ali, Hocine, Mohamed et Ahcène tombés au champ d’honneur à la fleur de l’âge pour l’unique idéal qui est celui de libérer l’Algérie du joug colonial. Il remerciera, d’ailleurs, le directeur de l’établissement pour cette initiative. Mais sans doute, les moments forts de cette activité qui ont plongé cet amphithéâtre plein à craquer dans un silence religieux, ce sont lorsque les deux sœurs des frères Harchaoui commencèrent à revenir sur le parcours de leurs frères, dont elles n’oublieront pas l’engagement dans la lutte armée en dépit de leur jeunesse, notamment Ali qui n’avait que 16 ans. « Certes, nos plaies ne sont pas encore fermées parce que mes parents et toute la famille n’ont pas fait leur deuil surtout notre frère Mohamed qui avait été brûlé vif, mais quand même nous sommes fières d’eux, car grâce à eux et aux milliers de chahid nous nous retrouvons aujourd’hui dans ce haut lieu du savoir alors que nos ancêtres, nos parents et nous mêmes, nous n’avions pas connu les bancs de l’école. Je n’oublierai jamais l’image de ma défunte mère qui, après s’être rendue sur le lieu où avait été tué mon frère Mohamed, elle ramena un morceau de tissu de sa veste entièrement calcinée. Quand elle rentra à la maison, elle fondit en larmes en répétant ‘voilà ce qui reste de mon fils Mohamed’ ». Elle était inconsolable. Cela nous a vraiment choquées », se rappellera cette vieille dame au bout des larmes. Des paroles émouvantes comme celle-ci se firent entendre à telle enseigne que de nombreuses personnes dans la salle n’ont pu retenir aussi leurs larmes. Après ces moments d’émotion, commencera la remise des cadeaux aux meilleurs élèves, à savoir 19 prix d’excellence et 113 félicitations, sous des applaudissements nourris. De temps en temps, ces remises de cadeaux sont entrecoupées de moments d’activités (chorales, blagues, poésie, monologues) sous la direction du club culturel de l’établissement. Juste après, M. Kemoun Kamel, adjoint d’éducation parti en retraite en août dernier après plus de trente ans de loyaux services dans cet établissement, a été honoré ainsi que les sœurs Harchaoui. Là aussi, c’était des moments d’émotion et tous les appareils photos se braquèrent sur ces dames toutes contentes d’être honorées par l’établissement alors que personne ne pensait à elles depuis l’Indépendance. Une fois cette cérémonie clôturée, le moment est venu de dévoiler cette plaque commémorative portant les noms des quatre martyrs : Harchaoui Hocine (15-09-1925 décédé en 1958), Harchaoui Mohamed (22-08-1933 décédé en 1958, le même jour), Harchaoui Ahcène (1936-1960) et Harchaoui Ali (17-01-1942 décédé en 1959) et leurs photos. L’honneur reviendra à leurs sœurs, au directeur de l’établissement et au président de l’ONM locale de faire découvrir la plaque sous l’hymne national chantée par la chorale de l’établissement repris en chœur par toute l’assistance. En tout cas, cette journée restera mémorable dans cet établissement dont la renommée est reconnue non seulement dans la région mais aussi ailleurs. « Encore une fois, je remercie tous ceux qui ont participé de près ou de loin à la réussite de cet événement. J’espère que nous serons toujours à la hauteur de ces martyrs qui se sont sacrifiés pour notre indépendance. J’ajouterai que nous organiserons durant la première semaine des vacances de printemps quatre jours non seulement des cours de soutien aux élèves de 4eAM mais aussi à ceux des autres niveaux, car nous voulons combler les lacunes que nous avons décelées chez eux durant ce trimestre », nous déclarera M. Allilèche Arezki au terme de cette cérémonie, avant que toute l’assistance ne soit invitée à un repas.

Amar Ouramdane

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