La cote d’alerte

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Les dommages collatéraux causés par la consommation de drogue et de l’alcool dépassent tout entendement. Si autrefois le phénomène de la consommation de la drogue est «réservé» aux centres urbains et grandes villes, cette substance a envahi, doucement et sûrement, hameaux et villages de la wilaya de Béjaïa ces dernières années. D’aucuns ne peuvent nier l’existence des produits hallucinogènes dans les villages perchés sur les hauteurs des montagnes. La consommation et le recel de drogue ont atteint, à moins de vouloir se masquer les yeux, des pics d’alerte dans les bourgades de bon nombre de localités. Dans la daïra de Chemini et ses environs, la consommation de cette substance prend des proportions qui donnent le tournis. En effet, certaines zones sont réputées pour être des lieux de vente et de revente de la drogue par excellence. À Takrietz, chef-lieu de Souk-Oufella, « gar iberdan » (un lieudit situé à la jonction des villages Djenane et Semaoune), Ighli n weklan, Setta Lâazla… autant de lieux connus pour le recel de la drogue. Le kif traité et les barbituriques s’écoulent «à flots» dans plusieurs localités, selon les témoignages de certains consommateurs. «La drogue se vend comme des petits pains. On peut s’approvisionner à tout moment de la journée sans grandes difficultés. Les trafiquants de drogue sont légion dans la région», affirme un jeune consommateur de Chemini. Au même titre, la prolifération des débits de boissons a favorisé amplement la consommation de ce type de boissons, sans oublier les boutiques spécialisées dans la vente de boissons emportées, souvent sans aucun registre de commerce. Le simple badaud amené à visiter les villages reculés de certaines régions de Bgayet constatera, de prime abord, l’invasion de toutes sortes de canettes de bière, de bouteilles de vin… Certaines régions sont notoirement connues pour être la plaque tournante du trafic en tout genre de stupéfiants et autres psychotropes. Par ailleurs, ce fléau n’est pas «l’apanage» de la localité de Chemini, car d’autres communes connaissent elles aussi une invasion effrénée des stupéfiants. Même si le gros du trafic de stupéfiants est implanté au niveau des cités-dortoirs tout comme dans les périphéries, les contrées lointaines enregistrent une montée fulgurante de la consommation de la drogue. Que ce soit à Seddouk, Tifra, Tinebdar, Toudja, Ighil Ali, Chemini, Souk-Oufella, Ouzellaguen, Akbou, Ighram… le phénomène gagne du terrain à telle enseigne que des pères de famille nous avouent qu’ils sont dépassés par les événements. «Mon fils est devenu un accro à cette substance. J’ai fait des pieds et des mains pour le dissuader d’en consommer, mais que dalle ! Je vois mon rejeton s’autodétruire sans que je puisse faire quelque chose», avoue, avec un air dépité Salah, père d’un consommateur du kif. Les bilans périodiques et les communiqués de la Gendarmerie nationale et de la sûreté de wilaya en sont le révélateur parfait des proportions affolantes que prend la consommation de la drogue aux quatre coins de la wilaya de Bgayet. Ces documents sont de plus en plus truffés d’affaires liées à ce terrible fléau. La sonnette d’alarme quant à l’entrée «par effraction» de cette substance dans le milieu scolaire est à prendre au sérieux, car les témoignages de quelques lycéens que nous avons interrogés à ce sujet nous ont avoué la présence du kif et que des potaches en consomment à l’abri des regards. Alors que les adolescents algériens s’adonnent de plus en plus à l’expérimentation des stupéfiants, les responsables de l’enseignement et la société civile se mobilisent pour combattre le phénomène. Les experts s’accordent à dire que la première étape est de mettre un frein à la consommation du tabac chez les adolescents. Un adolescent qui prend des clopes, de la chique et même de la boisson alcoolisée à 12 ans va être forcément tenté par le kif. Qu’ils soient adultes ou mineurs, les accros au joint ne sont nullement effarouchés de se droguer au vu et au su de tout le monde. Il n’est pas rare de remarquer des «toxicomanes», le joint entre les doigts, se balader sans se soucier des gens qui les entourent. «Prendre un joint ou une clope est pareil pour moi. Je ne peux pas m’en passer de cette substance. C’est entre copains que nous consommons de la drogue, généralement accompagnée par des cannettes de bière ou du vin», raconte Halim, un jeune de 25 ans, accro à la consommation de drogue. Le trafic de drogue et de tabac prend, ces derniers temps, une ampleur inquiétante au point où certaines localités sont devenues un véritable carrefour pour les narcotrafiquants. À cet égard, les dossiers se multiplient au niveau de la justice, alors que la consommation de drogue atteint des seuils alarmants, malgré les campagnes de sensibilisation contre la consommation de la drogue. Des saisies de drogue et de tabac frelaté sont régulièrement opérées par la gendarmerie nationale, mais en contrepartie, la consommation de cette substance monte crescendo. Ces drogues pernicieuses conjuguées avec une consommation abusive de l’alcool sont souvent à l’origine d’une décente aux enfers du toxicomane, sans oublier les conséquences qui en découlent. Rupture de dialogue avec les parents, perte d’estime et de considération, déchirement de la cellule familiale… autant de désastres que peut causer l’addiction au duo fatal composé par l’alcool et la drogue. «Nonobstant les campagnes de sensibilisation qu’animent par-ci par-là des sociologues et psychologues contre la consommation de drogue, cette dernière tend à devenir un véritable fléau. Ce faisant, cette stratégie doit reposer sur la prévention à travers l’implication des associations, des parents, des responsables des établissements scolaires afin de sensibiliser les gens, notamment les jeunes, sur le danger des drogues et des réseaux de trafic. Les services de sécurité doivent mener des luttes implacables pour gagner de rudes batailles contre ce phénomène», préconise Samir, sociologue.

Bachir Djaider

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