«L’expérience a été si exaltante»

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« Les jumelles » est une pièce théâtrale en quatre actes qui a pour cadre une oasis dans le désert algérien. Vivant en parfaite harmonie avec la nature, dans cet environnement qui nous parait aujourd’hui hostile, elles vivent heureuses jusqu’au jour où tout bascule pour elles dans l’horreur. Alors, à partir de ce jour, elles ne vivent plus que dans l’idée de se venger.

La Dépêche de Kabylie : Dans quelle catégorie littéraire classer «Les jumelles», votre premier ouvrage qui a paru samedi dernier ?

Ali D. : Je voudrais pouvoir vous répondre comme un roman, mais est-ce vraiment un roman ? Évidemment non, puisque par la forme, le présent ouvrage se présente comme une pièce de théâtre, une pièce en quatre actes, comme c’est précisé sur la page de garde. Mais si l’on fait abstraction de son découpage en acte et en scène, je crois qu’on arriverait à le lire comme un roman. L’action est portée par les personnages et non par le narrateur. Le récit ne prend ainsi que plus de force. Une fois lâchés dans une direction donnée, les personnages traçaient leur sillon à la manière d’un attelage docile. Je n’avais eu besoin, pour les faire avancer, ni d’aiguillon ni de claquement de fouet. Ils avançaient à l’allure qui était la leur et je me suis contenté de les suivre sans trop intervenir. Maintenant, c’est au lecteur de juger de la qualité du travail exécuté.

Dans votre préface, vous dites qu’il s’agit d’une nouvelle de quelques pages. Qu’est-ce qui vous a empêché donc, de la développer de manière à ce qu’elle forme à elle seule un livre ?

Elle aurait formé de toute façon, un livre avec les dix autres nouvelles que je possède déjà depuis quatre ou cinq ans. Et mon premier projet, en apprenant que la direction de la culture encourageait les auteurs de manuscrits, j’ai déposé le mien en novembre ou décembre. Et puis, j’ai écrit en janvier ou février cette pièce, dont je n’étais pas fier. Et le petit chèque que j’ai encaissé a servi non à financer la publication du recueil de nouvelles et de contes, mais à faire paraitre ce produit hybride entre le roman, ou si vous voulez la nouvelle et la pièce de théâtre. L’expérience a même été si exaltante que j’ai récidivé. En l’espace de trois ou quatre semaines, j’ai écrit une autre pièce en quatre actes. Vous me direz pourquoi quatre actes ? La faute incombe, je pense, au sujet. Si j’avais ajouté un autre acte, cela aurait changé la pièce. Cette seconde pièce que j’ai déposée, il y a une dizaine de jours à la Maison d’édition Assirem, à Bouira, se serait appelée «La place des martyrs», comme j’en avais au départ l’intention et non «La roulette russe». Nous en parlerons un jour.

Vous ajoutez dans cette préface que sans ce metteur en scène que vous avez rencontré à la Maison de la culture de Bouira, où il montait une pièce intitulée ‘La Palestine’, cette nouvelle qui portait le titre de la future pièce serait restée en l’état. Pouvez-vous nous éclairer un peu plus sur ce point ?

J’ai toujours aimé écrire des nouvelles. Avant, c’étaient les poèmes. Et les jumelles qui me hantaient depuis longtemps, m’auraient peut être inspiré un poème qui se serait perdu comme tous ceux que j’avais écrit, car sans valeur littéraire aucune. D’ailleurs, les jumelles ont écrit chacune un poème sur elles-mêmes. Mais, elles, elles étaient libres d’agir à leur guise. Le désert favorise l’inspiration et mes deux héroïnes en ont profité. Mais pour revenir à votre question, ainsi que vous l’avez appris par la préface, j’ignorais tout du théâtre. Sans mon ami Abderrahmane Houche, je ne me serais jamais lancé dans une pareille entreprise. Elle dépassait de loin mes compétences et mes connaissances. C’est donc suite à son conseil que j’ai commencé à écrire. Et c’est encore suite à ces conseils que j’ai ajouté une ou deux scènes pour rendre la pièce plus conforme à la scène. Tout ce travail supplémentaire a retardé la publication de l’ouvrage. Mais j’ai lieu de m’en félicité. Pour être honnête, il me faut mentionner encore le conseil de l’éditeur qui m’était également précieux alors que ces rajouts, venant bousculer l’architecture de l’ouvrage, en avaient menacé l’équilibre… Cela a été long et dur.

Vous portez dans cette préface ce jugement sévère sur la pièce, car dès la première phrase, vos dites que celle-ci est sans prétention littéraire et vous ajoutez qu’elle n’a pas été conçue pour briller. Pourtant, on sent qu’il y a un travail sur le style. On sent l’effort dans les phrases qui restent essentiellement classiques avec l’emploi de métaphores, inversion du sujet et tout et tout…

Alors, cela aurait pu être pire si j’avais écrit un roman. Or, il me semble que je me suis dépouillé dans ce récit, de toute vanité littéraire, m’efforçant de faire agir et parler mes personnages avec beaucoup de naturel. Mon ambition n’était pas de briller, en effet. Je ne voulais pas que l’on dise : comme c’est bien écrit, comme c’est bien construit ! Je voulais que l’on s’émeuve en lisant ou en écoutant cette pièce destinée primitivement à être jouée. En cela, il me semble que je reste fidèle à la tradition classique qui est simplicité brièveté et clarté. Du reste, l’époque peinte ici est elle-même classique. Deux faits importants la balisent : le passage du sonnet d’Italie vers la France à la faveur de la Renaissance et utilisation de la catapulte dont la disparition vers le début du 16ème siècle annonçait le canon dans les équipements militaires.

Pourrait-on espérer voir ces nouvelles suivre le même chemin que ‘Les jumelles’ ou bien sont-elles déjà condamnées à demeurer dans les cartons ?

Bah, elles avaient attendu quatre ou cinq ans. Elles pourraient bien attendre davantage. D’ici là qui pourrait savoir ce qi pourrait arriver ? Le destin d’une œuvre, qu’est-ce que c’est- sinon un jeu, un pari ou quand ce n’est pas clic, c’est clac, comme à la roulette russe !

Propos recueillis par Oussama K.

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