Dda Chabane Ouahioun, un écrivain de vocation

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Dda Chabane est né le 22 avril 1922 à Tassaft Ouguemoun, dans l’ex-commune mixte du Djurdjura (ex-Michelet). Si durant ses 94 ans il n’a écrit que sept ouvrages, cela veut dire que l’écriture livresque n’a pas été pour lui un métier mais une vocation. La nuance est de taille car la vocation est un appel, un penchant, l’expression d’un souffle intérieur qui vous pousse à aller vers l’écriture. Une vocation n’est pas une marque de fabrique scripturaire, encore moins une systématique. On écrit par vocation suite à une invitation des événements à exprimer sur des feuilles blanches non pas des taches d’encre mais une mission d’utilité publique. Partant, l’écrivain de vocation ne vit pas de ses propres œuvres. Ainsi donc en a été de Chabane Ouahioun, ancien normalien, instituteur puis avocat de profession formé à la faculté de droit vers 1949/1950. Toute sa thématique d’écrivain a été une peinture se rapportant à la vie sociale. Etudiant qu’il était, il imbibait sa plume pour tracer des textes publiés dans le journal des instituteurs la «voix des humbles». Ce n’est qu’une fois revenu pour s’installer définitivement dans son village natal de Tassaft qu’il entamera d’extirper toutes les thématiques qu’il avait refoulé au fond de lui-même. Son pays kabyle, il le présentera admirablement dans la série de ses chroniques au journal le Soir d’Algérie dans les années 80 sans jamais épuiser ni les sujets ni les thèmes tellement cette région lui était devenue une source intarissable d’inspiration et d’événements vécus ou subits. Il terminera sa vocation en écrivant un magnifique ouvrage intitulé «L’aigle du rocher». Tout le récit se rapporte à ce personnage dans lequel il se projetait, agrippé accroché collé à sa montagne. La symbolique de l’aigle du rocher a plus de signification mais surtout de valeur lorsqu’elle est dite en kabyle. En effet, le majestueux «Lbaz idurar» est une analogie, une similitude qui dépeint ces hommes coriaces, libres, intransigeants et sages en même temps qui ont fait que les collines n’ont jamais été vaincues. Ce n’est nullement un hasard qu’un de ses ouvrages porte le titre de «Parmi les collines invaincues». Son long passage en émigration est très bien illustré dans son livre «Les Conquérants au parc rouge». Faut-il signaler que la population de Kabylie a trouvé son salut socio-économique dans cette émigration «n tmara», c’est-à-dire forcée car non voulue à plaisir. Lors des dernières visites que je lui rendais en son domicile de Tassaft et malgré son âge avancé Dda Chabane est resté d’une lucidité incroyable. En tant que chroniqueur, moi-même et lui trouvions toujours matière à disséquer autour de la redoutable écriture dont il se méfiait beaucoup. Dans son premier ouvrage «La maison au bout des champs», c’est comme si Dda Chabane s’en allait au bout de sa vie, une vie sereine jusqu’au bout de son dernier souffle qu’il a rendu quelques secondes avant sa disparition.

Abdennour Abdesselam

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