Le comité des fêtes de la ville de Béjaïa organise, samedi prochain, avec l’association «Bruits de Mots», une conférence très intéressante autour du thème de la participation des étudiants tant français qu’algériens à la lutte pour l’indépendance de l’Algérie.
C’est autour du livre de Dominique Wallon que se déroulera cette rencontre. Il vient d’être publié aux éditions Casbah et relate l’histoire du combat des étudiants des deux rives de la Méditerranée, pour l’indépendance de l’Algérie. Dominique Wallon était, dès son jeune âge, anticolonialiste convaincu. Il a milité aux côtés des étudiants algériens établis en France et encadrés par la Fédération de France du FLN, à la fin des années cinquante. À cette époque, c’était l’UGEMA qui représentait les étudiants algériens, et le gouvernement français venait de la dissoudre. C’est l’UNEF (Union des Étudiants Français), organisme auquel appartenait l’auteur, qui mettra la pression sur le gouvernement pour porter la voix des étudiants sur la place publique (plus de 200.000 à l’époque, dont la moitié était affilée à l’Union) et inciter à des négociations avec le GPRA. Il ira à Genève pour y rencontrer les responsables estudiantins algériens, dont Djamel Houhou, Messaoud Ait Chalal et Taïeb Chaïeb. Quelques temps plus tard, un accord est conclu entre l’UNEF et l’UGEMA, sous les auspices du GPRA. Cela déplut fortement au gouvernement français qui organisa des représailles. Dans son livre, il raconte : «Le gouvernement a supprimé nos subventions, suscité un syndicat étudiant bidon, pris des mesures personnelles directes à mon encontre». Dominique Wallon est issu d’une famille de révolutionnaires en France, et le combat ne lui faisait pas peur. Très tôt, il s’est engagé dans la revendication politique, en manifestant contre la guerre d’Indochine et en militant pour l’indépendance des pays du Maghreb. «Entre République et Résistance, j’ai très vite été au lycée un militant chrétien politisé contre la guerre d’Indochine, pour l’indépendance des pays du Maghreb», a-t-il écrit dans son livre. À sciences-po, il a continué son combat politique, en participant à des manifestations contre la guerre d’Algérie et ses crimes et horreurs… Il se rappelle qu’à l’époque, la guerre d’Algérie était le sujet le plus chaud dans les campus. À l’approche de la célébration de l’appel du 19 mai 1956, où l’UGEMA demandait aux étudiants algériens de quitter les bancs des universités pour rejoindre les rangs de l’ALN, cet ouvrage tombe à pic, surtout que beaucoup d’encre a coulé sur ce sujet, en particulier en relation avec l’affaire dite de la Bleuite. C’est la première fois que Béjaïa organise une telle rencontre, car pour la première fois, on entendra la version française de la lutte estudiantine pour l’indépendance de l’Algérie. Dominique Wallon qui compte parmi les amis de l’Algérie, livrera sa version des faits et exposera sa vérité. La présence de responsables politiques à cet événement, aux côtés des historiens et intellectuels de la région, permettra certainement au débat de se montrer riche et de qualité. Il est dommage que le public ne découvre le livre en question que lors de cette rencontre. Il aurait été préférable qu’il soit disponible à l’avance, pour permettre une critique objective basée sur la connaissance du texte et non pas seulement de la présentation qu’en fera l’auteur. Il est certain qu’il y a beaucoup de choses à y découvrir et ne manquera pas de soulever de nombreuses questions sur le sujet. À Béjaïa, encore plus que dans les autres régions d’Algérie, la question de la participation des étudiants à la guerre de libération reste encore vivace dans les esprits, surtout que c’est dans la wilaya III historique que les choses les plus importantes se sont déroulées avec cette frange de combattants. Quel a été l’apport des autres organisations estudiantines en France et ailleurs ? En Espagne et en Italie par exemple, où les partis communistes, soutient du combat libérateur de l’Algérie, avaient bonne presse. Après l’indépendance de l’Algérie en 1962, Dominique Wallon a continué son combat politique jusqu’à sa retraite qu’il a décidé de passer dans le sud de la France. Il fondera alors en 2003 un Festival des cinémas d’Afrique. En une douzaine d’années, il a permis à plus d’une trentaine de réalisateurs algériens de présenter leurs films. Son amour pour notre pays ne se dément donc pas et malgré son âge, il continue à militer avec ses moyens, pour le rayonnement des cultures et l’amitié entre les peuples, particulièrement entre ceux qu’il connaît le mieux, la France et l’Algérie. Cette rencontre est prévue, ce samedi 9 avril, au théâtre régional de Béjaïa, et le public est cordialement invité. Pour Malek Bouchebah, la rencontre est essentiellement destinée aux intellectuels qui souhaiteraient débattre du sujet, avec un acteur majeur de la vie estudiantine de l’époque. Le Président du CFVB insiste sur les vertus d’un débat de qualité et il est convaincu que cette rencontre portera ses fruits.
N. Si Yani