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Bgayet telha…

Peut-on parler du mois du patrimoine ou de la Journée du savoir dans la wilaya de Bgayet sans citer l’ancienne ville antique, une citadelle millénaire et inexpugnable qui a traversé des siècles en résistant aux guerres, aux forces de la nature et aux effets du temps ? Ce qu’il reste des vestiges historiques font d’elle une ville attractive réputée pour son tourisme culturel.

Cette ville où ont rayonné durant des siècles la science, la culture et l’histoire, mérite son classement comme patrimoine national à sauvegarder, mais doit en conséquence bénéficier des dotations budgétaires adéquates pour la remise en l’état dans leur style original, des endroits tombés en ruines. Elle a fait chanter des poètes, des politiciens, des hommes de sciences et des chanteurs, à l’image de Chérif Kheddam, une figure de proue de la chanson kabyle qui lui a consacré une chanson dont le titre illustre bien le contenu fait de beaucoup d’éloges : «Bgayet Thelha, Dharouh Lekvayel». Manuel Taxera Gomez, le président portugais qui a démissionné en 1925 de son poste, a pris le large à bord d’un bateau et a atterri à Bgayet en 1931 où il a compté rester quelques jours. La trouvant belle et charmeuse par sa splendeur éternelle, bâtie dans un endroit paisible et magnifique, il est resté 10 ans, c’est à dire jusqu’à sa mort en 1941. Il disait dans l’un de ses livres : «le panorama qui s’offre à mes yeux depuis le balcon de ma chambre d’hôtel est magnifique et je ne me rappelle pas d’autres qui puissent le surpasser en beauté. L’enchantement de la mer est pour moi chaque fois plus intense et je ne peux me faire à l’idée de vivre loin d’elle. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de vivre ici». Il occupait la chambre n 13 de l’hôtel Etoile situé à la place du 1er novembre, Ex Gueydon. Il y a quelques années, une placette mitoyenne de la place Gueydon a été baptisée en son nom, et une statuette à son effigie a été érigée au centre de celle-ci. En ce moment, un film retraçant son parcours est en plein tournage. Beaucoup de subtilités qui seront énumérés ci-dessous, incitent à visiter ce qui en reste de l’ancienne ville, un monument de l’histoire de notre pays. Nous ne sommes pas les seuls à le constater, bien d’autres l’ont dit avant nous : Vgayet possède l’une des meilleures baie du pourtour de la méditerranée, une baie radieuse et céleste qui fait rêver et qui rappelle par ses endroits pleins d’émotions, de mémoire et de perfection naturelle spectaculaire. Regorgeant de plages et de sites féeriques, ceux qui font une virée aux entrailles de cette magnificence s’aperçoivent que c’est une terre qui a une histoire riche et millénaire.

Une ville musée au passé glorieux

Son passé prestigieux comme en témoigne ses somptueux vestiges archéologiques et sa richesse culturelle, fait de cette ancienne capitale numide, une ville dont l’histoire élogieuse a commencé visiblement par le caractère architectural de ses anciens sites qui s’accrochent avec passion au flanc escarpé et boisé du mont Gouraya et veillent jour et nuit, depuis la nuit des temps, sur les rivages fascinants de la mer. Les touristes de passage à Bgayet ne peuvent s’empêcher de faire une virée à sa casbah qui fut construite au 16° siècle. Son style architectural propre aux Romains témoigne de leur présence s’étalant sur plusieurs siècles. Ils l’ont surnommée à l’époque Saldae. L’une de ses tours domine la ville et la mer, laissant vagabonder le regard aux horizons lointains. À l’intérieur fut édifiée une mosquée au 18e siècle, laquelle a servi à Ibn-khaldoun lors de son séjour dans cette ville qui a duré des années. Il alliait l’utile à l’agréable en s’émouvant de la beauté naturelle de cette forteresse qui domine la mer et ses beaux rivages et une montagne pourvue d’une forêt aux arbres gigantesques et aux herbes touffues. Il exerçait l’enseignement de la jurisprudence et bien inspiré il s’adonnait à l’écriture. Cette cité antique qui a fait l’objet de plusieurs fouilles archéologiques est classée comme patrimoine national et bénéficiera par conséquent d’un programme de restauration et des mesures de protection de ses édifices. Des efforts seront accomplis pour lui redonner son lustre d’antan. Autrefois, les bateaux pour entrer à l’ancien port romain passaient sous son arch, la gracieuse et majestueuse porte de Bab el Bahr en arc brisé et portant encore sur le fronton une ancre marine, malgré les vicissitudes du temps passé tient encore le coup. Les Français à leur arrivée ont fait reculer la mer en construisant une rade laissant derrière le majestueux monument. Séparée par la route du port, aujourd’hui, effondrée en ruines, il ne reste qu’une partie que les voyageurs arrivant ou en partance par bateau vers l’étranger ne s’empêchent nullement de contempler, d’approcher parfois pour voir de près un vestige mythique, le cas échéant le filmer ou le photographier pour garder des souvenirs. Ce monument ne tiendra pas longtemps s’il n’est pas consolidé par des poutrelles. Derrière, un deuxième arc que d’aucun prête à l’entrée de la forteresse inexpugnable. Son raffinement exquis fournit un charme éblouissant à la citadelle qui mérite le moins que l’on puisse dire une réelle admiration. Les touristes en arrivant à cet endroit marquent systématiquement une halte de quelques minutes pour observer ce monument qui ressemble à un tableau bien dessiné par des mains expertes d’un grand artiste peintre. Flanqué de deux minarets très hauts, malgré la traversée des siècles, ils sont restés encore intacts. Semblables aux donjons Alsaciens pour leur apparence très hauts, ils sont visibles de la mer et d’une bonne partie de Béjaïa. Bien protégé gracieusement et jalousement, Bab El Bounoud avec son caractère architectural musulman se présente comme l’un des vestiges poignants de l’histoire de la capitale des Hammadites. La trouvant comme une ville attrayante et convoitée par les touristes européens et Andaloux, ils feront de Bgayet l’une des villes les plus prospères qu’aient connue la Numidie et la Méditerranée à cette époque. Plus haut, d’une vue imprenable sur la mer et surplombant l’ancienne ville, la mosquée du 16° siècle de Sidi Soufi charme avec ses ors et turquoises. Flanquée de trois tours hexagonales et de deux portes en ogive, entourées d’une grande muraille la séparant du flanc de Gouraya, elle projette des siècles en arrière, aux nostalgiques de l’histoire d’imaginer toute la splendeur de Nacéria, une cité antique en voie de disparition. Dans un décor fabuleux, captivant, plein d’originalité Bab Gouraya n’a jamais fermé ses portes pour laisser admirer les éléments d’architecture de ses constructions ornées de petites formes diverses et de son histoire qui s’étend du 12e aux 19e siècles. Toudja est l’un des beaux villages proches de Saldae, réputé pour ses sources d’eau sorties des entrailles du flanc escarpé du mont Aghbalou. La route la reliant au littoral offre des panoramas inédits. Tout le long de cette route et sur une longueur de trois kilomètres, les restes des vestiges d’un aqueduc réalisé par les romains au 15e siècle pour alimenter en eau Bgayet, sont encore là pour témoigner de l’histoire millénaire de cette région. L’eau du mont Aghbalou est un pan de l’histoire de cette région, c’est pourquoi la municipalité de Toudja a fondé un musée d’eau retraçant toute l’histoire de cette époque.

Bgayet, capitale de l’amazighité ?

Et ce n’est pas fortuit si la ville de Bgayet est classée à vocation touristique par excellence où alternent des sites naturels a perte de vue, des vestiges archéologiques innombrables, des beaux rivages… La ville de Bgayet a connu après l’indépendance, un essor de développement fulgurant à tout point de vue. En pleine expansion, elle s’agrandit avec le nouveau bâti qui s’érige aux quatre points cardinaux. Le tourisme estival n’est pas en reste avec la naissance d’une flopée d’hôtels de luxe érigés en ville ou dans les stations balnéaires. S’ajoute aussi, le Capritour, un village touristique d’un millier de cabanons. Ces infrastructures non des moindres qui n’existent pas ailleurs en nombre, font de Bgayet une ville qui attire de plus en plus des afflux considérables de touristes, facilités aussi, il faut le dire, par les moyens de transport existants par mer, air et terre. Dans les prochaines années, la pénétrante autoroutière, un projet est en cours de réalisation, dont le taux d’avancement des travaux avoisine les 50%, facilitera beaucoup mieux l’accès à cette ville choyée par les saints au nombre de 99 dont la centième est une femme, Yemma Gouraya en l’occurrence. Elle ne cesse d’éblouir et d’offrir aux visiteurs une halte de charme à l’ombre de la montagne de Gouraya, sous les caresses d’un soleil qui distille ses rayons et les effleurements de la mer. D’un avenir radieux et prometteur, les années à venir, Bgayet sera sensiblement ouverte à un autre changement, celui de la délocalisation du peu d’usines industrielles vers les zones d’activités créées dans les villes de l’intérieur de la wilaya. Cela épargnera la pollution de cette ville au charme qui reste immuable, ainsi que ses millions de touristes en quête de bien être qui la choisissent pour y passer leurs vacances dans ses différents sites d’une réputation nationale, à un degré moins internationale. Sa population accueillante et chaleureuse est l’un des facteurs qui offre une image de marque qui font d’elle une destination privilégiée. Ayant accueilli plusieurs savants, Bgayet est une ville pétrie d’histoire et à la civilisation millénaire. Après Tlemcen capitale de la culture islamique et Constantine capitale de la culture arabe, Bgayet qui était une très ancienne capitale numide comme Carthage et Cirta, mérite d’être classée capitale de l’amazighité algérienne, un couronnement qu’elle mérite bien, vu son passé élogieux et glorieux dont les populations ont participé à toutes les guerres et soulèvements en défendant corps et âmes leur patrie. À l’invasion française, les Belhaddad de Seddouk et les Mokrani d’Ath Abbas étaient les précurseurs d’un soulèvement paysan en avril 1871, le plus important qu’ait connu le pays et qui a embrasé toute la Kabylie et les régions limitrophes. En mai 1845, les populations de Melbou à Kherrata, meurtries, se souviendront du génocide commis sur eux par l’armée française. En 1956, le congrès de la Soummam qui était la base de l’organisation de la guerre d’Algérie déclenchée en 1954, s’est tenu à Ifri. Pas loin de là dans la forêt d’Akfadou, est érigé le PC de l’illustre colonel Amirouche.

L. Beddar

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