L’émergence du soulèvement de la Kabylie pendant les événements du 20 avril 1980 n’est pas le fait d’un hasard circonstanciel de l’histoire. Il n’a pas était une spontanéité plate. Il est un héritage et l’aboutissement d’un long cheminement de la revendication de l’identité berbère enclenchée dès la naissance du mouvement national qui est apparu immédiatement après la première guerre mondiale de 1914-1918. En effet, Imache Amar, Radjef Belkacem, Ssi Djilani, Yahyaoui, entre autres, vont créer, le 5 décembre 1924, le Congrès des Ouvriers Nord Africains de la région Parisienne (le C.O.N.A) avant la naissance de l’Etoile Nord Africaine (l’E.N.A). Le CONA a inscrit prioritairement la question berbère dans son programme politique et social. Certes, le cheminement de la revendication n’a pas été linéaire, mais il a connu des soubresauts en raison des données historiques connues. L’ouvrage très documenté et référencé de Amar Ouerdane intitulé «La question berbère dans le mouvement national algérien 1926-1980», paru en 1993 aux éditions Epigraphe/Dar El Ijtihad, replace ainsi l’événement du 20 avril 1980 sur ses soubassements et ses réalités historiques. Le mérite est évident. Il revient à tous les acteurs qui on impulsé une continuité à la revendication berbère portée par toute la région de Kabylie sous le sigle M.C.B (Mouvement Culturel Berbère) le 20 avril 80 et particulièrement aux 24 détenus, dont cinq sont malheureusement décédés depuis. Cependant, nul ne peut travestir les faits en s’appropriant le monopole de l’événement sous quelque forme que ce soit et au profit de quelques projets politiciens et sournois que ce soit. De plus, souvent l’étincelles qui a été à l’origine de cette explosion est élidée et enjambée par ces voix usurpatrices alors que l’événement initiatique a été l’interdiction de la conférence de Mouloud Mammeri prévue à l’université de Tizi-Ouzou le 10 octobre 1980 portant sur son dernier ouvrage paru à Paris sous le titre «Poèmes Kabyles Anciens». Intercepté par deux motards à Draâ Ben Khedda, Mammeri sera «détourné» vers la wilaya de Tizi-Ouzou où il fût reçu plutôt par le chef de cabinet de l’époque qui lui signifia qu’il ne peut animer la dite conférence. Ce n’est qu’après cette offense faite à Dda Lmulud qu’une série d’assemblées générales ont été tenues au sein de l’université de Tizi-Ouzou suivies de différentes manifestations publiques durant lesquelles se prolonge et s’organise peu à peu la contestation. Après la remise du rapport de synthèse élaboré dans un centre de vacances à Yakouren à la libération des 24 détenus et pour maintenir la dynamique de la revendication, l’action continue de vivre à travers la revue périodique «Tafsut» qui installe le débat autour des questions cruciales encore d’actualité tels que la démocratie, les droits de l’Homme, la condition de la femme, le redressement de l’école sur un modèle efficient empreint de modernité les libertés d’opinions et d’expression individuelles et collectives, le droit syndical, la laïcité… etc. Aussi, l’écho à tue-tête produit par des voix à excitation paternaliste qui veulent s’accaparer et confisquer l’événement du 20 avril ne peut équilibrer la faiblesse de leur vaine argumentation. Le 20 avril 80 comme référent du renouveau de la revendication berbère ne peut servir de rebonds aux voix agonisantes et même finissantes qui cumulent des échecs à se faire une place dans l’échiquier politique du pays d’autant que maintenant, la revendication berbère qui vient d’enregistrer une réparation politique ne peut plus leur servir de béquille compensatoire. Nul d’entre nous n’a plus de mérite que cette vieille femme bien connue, venue à pieds depuis son village montagneux vers la ville de Tizi-Ouzou, le 21 avril, pour prendre part à la résistance populaire.
Abdennour Abdesselam
(kocilnour@yahoo.fr)
