Makhloufi, de son vrai nom Aoudia Makhlouf, natif du village Ighil Igoulmimène dans la commune d’Imsouhal, à 70 km au Sud-est du chef-lieu de la wilaya de Tizi-Ouzou, est un chanteur connu du grand public grâce à sa première chanson «Yelis n Bab El Oued» (la fille de Bab El Oued), enregistrée en 1967 chez la maison d’édition disco phone en France, alors qu’il n’avait que 17 ans. Dans cet entretien qu’il nous a accordé, il nous parle de plusieurs points, tels son parcours, ses préparations et de la chanson en général.
La Dépêche de Kabylie : ‘’Yelis n Bab El Oued’’ fut l’un de vos meilleurs succès. Pourquoi au juste la fille de Bab El Oued et non pas la fille de Béjaïa ou d’Alger tout court ? En êtes-vous amoureux ?
Makhloufi : Justement, c’est tout le monde qui interprétait cette chanson comme si j’étais tombé amoureux d’une fille de ce beau quartier d’Alger. Certes, oui, néanmoins c’est pour rendre, à travers cette chanson, un hommage à toutes les habitantes de Bab El Oued dont la plupart sont originaires de Kabylie. Donc, c’est à la femme kabyle qui a su gardé sa dignité et son honneur dans le respect de nos traditions ancestrales, malgré sa souffrance, que j’ai tenu à rendre un hommage particulier. D’ailleurs, à l’époque, j’étais interviewé par la chaîne 3 de la radio nationale, mais malheureusement avec la dictature qui régnait en ces temps où personne n’oserait se prononcer sur la culture amazighe de peur des représailles, j’ai répondu qu’il s’agissait d’un sentiment d’amour que j’éprouvais pour une fille de ce quartier.
Êtes-vous passé par l’émission les chanteurs de demain’ ?
Oui, c’était à mon retour de France et j’ai interprété «Attir ketch idarmak» (Oiseau voyageur). D’ailleurs, j’ai eu les félicitations de Chérif Kheddam qui dirigeait cette émission sous la supervision de Medjahed Mouhoub et Achrouf Idir qui m’ont encouragé à persévérer dans cette voie.
Vous comptabilisez combien d’albums à votre répertoire ?
Actuellement, j’ai quatre albums, dont trois disques et quatre clips.
Avez-vous une préférence pour l’une de vos chansons ?
Je ne fais pas de différence entre mes chansons étant donné que c’est moi qui les ai toutes composées. Elles expriment toutes un sentiment de cœur, néanmoins celle qui a émergé c’est «Yelis n Bab El Oued». C’est elle qui m’a ouvert les portes du succès et de la gloire.
Préparez-vous un nouvel album actuellement ?
Je suis en train de finaliser un nouvel album intitulé «Ghurwath kan adagh tatum» (Ne nous oubliez pas), qui sortira prochainement sur le marché.
Que faites-vous en dehors de la chanson ?
Je fais de la comédie dans le théâtre d’expression Kabyle, où j’ai interprété le rôle du «Roi Syphax» avec la troupe du village Aït Lahcène, commune d’Illoula Oumalou. Comme j’ai interprété également «le Roi de la pluie» (Aglid bamane), scénarisé par Lyes Mokrab, pour le théâtre régional Kateb Yacine de Tizi-Ouzou. J’ai joué également dans le film «Tamaghra», réalisé par Ould Kaci Ahcène. Dans ce dernier, j’ai interprété le rôle d’un chanteur, un rôle qui me sied très bien. J’ai interprété aussi le rôle du père de deux jeunes qui voudraient se marier, dont l’un d’eux voudraient épouser une handicapée, chose que j’ai d’ailleurs refusé dans le film «Urkkat agma inetted 2», un film scénarisé et réalisé par Ahcène Ait Sai, qui se veut un hommage à ces personnes handicapées, qui est d’ailleurs passé deux fois sur la chaîne TV 4.
Avez-vous programmé quelque chose pour le mois de Ramadhan prochain ?
Pour le moment rien, mais je suis à la disposition de la Maison de la culture de Tizi-Ouzou et aussi du théâtre régional Kateb Yacine pour d’éventuelles animations culturelles, que ce soit dans le domaine de l’animation de galas artistiques ou dans le domaine théâtral.
Qu’en pensez-vous de ces jeunes qui reproduisent les chansons des autres ?
Concernant la voix et les arrangements musicaux avec tous les moyens sophistiqués qui existent actuellement mais que nous n’avions malheureusement pas à notre époque, comme le numérique par exemple, ça pourrait y aller, néanmoins delà à donner une âme à la chanson comme son compositeur qui l’avait extirpée de toutes ses tripes, je ne le pense pas. En revanche, ces chanteurs «répétiteurs» doivent au moins donner un minimum de respect aux auteurs des chansons répétées, rien qu’en leur demandant une autorisation.
Avez-vous un message à passer ?
J’invite les jeunes qui s’investissent dans la chanson à écrire de beaux textes, car la poésie est avant tout la première base de la chanson kabyle, tout en la propulsant encore plus vers l’universalité comme l’ont, d’ailleurs, fait leurs prédécesseurs, comme Chérif Kheddam, Idir, Takfarinas, qui n’en disposaient pourtant pas de moyens d’aujourd’hui. Comme j’espère de tout cœur que l’Algérie restera toujours un pays de paix et de fraternité où régneraient les lumières des trois variantes cultures de notre pays qui sont l’amazighité l’islamité et l’arabité dans le respect mutuel des uns et des autres.
Entretien réalisé
par Madjid Aberdache.