Les faits…

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Trois personnes dans le box des accusés : Hamitouche, Ameur et Mokrane. Le président du tribunal les fait lever chaque fois, pour permettre aux témoins qui défilaient à la barre de pouvoir les identifier. Au moins une dizaine d’entre eux ont pu confronter leurs impressions au moment de l’attaque de la poste d’El Adjiba.

Comme les deux principaux accusés étaient masqués et qu’en outre ils avaient, sous la menace d’un couteau et d’un fusil, obligé tout le monde à rester couchés à terre, on se doute que ces impressions étaient des plus vagues. L’espoir, par conséquent, du président en reconstituant les faits, était qu’un détail, qui avait échappé à l’attention générale, permette de reconnaître l’un d’eux. Et cette reconstitution a été menée habilement. On pourrait penser que l’interrogatoire s’éloigner du sujet lorsqu’a été appelée à la barre cette femme sourde et muette. Un des assistants qui connaissait le langage des signes, a pu, sous serments, servir d’intermédiaire. Chez cette vieille a été découvert le fusil qui a servi au braquage de la poste qui a permis aux bandits de rafler un milliard et demi de centimes. La vieille a nié tout en bloc. À la question : Comment le fusil a pu atterrir chez elle, elle a prétendu qu’il lui a été remis par un parent qui partait en France. Une guichetière racontait que deux types armés étaient entrés à la poste vers 11h45 et se sont mis à crier en direction des employés : A terre ! A terre ! Ce que tout le monde a fait. Son collègue K. confirmait ses propos. Par un autre, on apprenait que les deux malfaiteurs avaient enfoncé la porte de la salle où se trouvait le coffre fort. Ce sont des personnes étrangères à la poste qui les avaient vu dans la rue masqués et portant un sac et les avaient dénoncé à la gendarmerie. C’est le cas de cet employé de l’APC qui quittait son bureau pour rentrer chez lui, qui est le plus précis. Selon lui, les deux voleurs portaient des cagoules et trimbalaient un sac, celui contenant le produit du vol. Ces derniers qui fuyaient du côté du chemin de fer avaient dans leur course butait sur la rivière et ont rebroussé chemin. Ce qui a permis à cet agent de les voir d’un peu plus près, sans toutefois pouvoir les identifier de façon précise. Mais c’est le préposé à la caisse de la poste qui avait fourni le plus de détails encore sur ce holdup. Selon son témoignage, les deux hommes étaient arrivés devant la porte de son bureau peu après avoir intimé l’ordre aux guichetiers de se jeter à terre et d’y rester. D’un vigoureux coup de pied, le plus grand qui était armé d’un fusil, avait fracturé la porte. Mais c’est celui qui tenait un grand couteau de cuisine qui est entré dans le bureau. Le préposé recevait, lui aussi, l’ordre de se coucher à terre. Mais il a pu se faire une idée de la taille des deux individus qui lui a semblé correspondre à celui de l’un des deux malfaiteurs. Il a en outre dit comment le moins grand avait ouvert le coffre et l’avait vidé de son contenu. Certains billets s’étaient éparpillés mais le voleur avaient dédaigné les ramasser. Un autre détail fourni par l’employé avait trait à la voix. Celle-ci lui a paru bégayante. L’avocate des trois accusés avait vu dans ce détail un argument pour prouver que son client qui ne bégayait pas n’était pas l’auteur de ce vol. Mais le président a montré que cela ne prouvait rien, le malfaiteur pouvant déguiser sa voix comme son visage. Les deux autres avocats se sont relayés pour démolir son témoignage en croyant relever des contradictions, mais le président a fait savoir que ce n’étaient que des suppositions et non de certitude absolue. Le même président a ensuite demandé aux trois accusés s’ils souhaiter dire quelque chose pour récuser les témoignages recueillis, ainsi et ils avaient rejeté celui du caissier qui a cru les reconnaître. Il est passé ensuite aux pièces à conviction sous scellées, retrouvées dans la voiture qui a servi au vol : des manches de tricots que l’un des trois accusés a enfilé jusqu’à hauteur de l’épaule, une sorte de cagoule qui n’est qu’une autre manche de tricot avec des trous pour les yeux, ainsi qu’une paire de gants, enfilée par le plus gros des accusés à la demande du président. Vers 13 heures, le président a mis l’affaire en délibéré. L’après-midi, le verdict tombait : quinze ans de prison ferme pour les trois accusés, alors que le procureur requérait la perpète. Il faut rappeler que l’affaire remontait au 6 juin 2015, impliquant cinq personnes, dont deux ont été relâchées.

Aziz Bey

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