Par Anouar Rouchi
En soixante ans d’existence, la Ligue arabe vient de vivre son sommet le plus important. En tout cas le plus médiatique. En témoignent le nombre et la qualité des invités qui ont élu domicile, l’espace de quelques jours, à Alger. Cette manifestation qu’on a voulue grandiose indique à elle seule le long chemin parcouru par l’Algérie depuis 1999. Evitée soigneusement, suspectée, pointée du doigt, Alger est redevenue une capitale prisée par le gotha diplomatique mondial.Bien sûr, les Algériens s’en filicitent, même si les quinquagénaires et plus qui ont vécu les années s1970, remarquent avec circonspection la résurgence de certaines pratiques de l’époque. C’est ainsi que, Alger devant faire peau neuve en l’honneur de ses illustres invités, la peinture blanche a suivi l’exemple du pétrole en affichant des cours mirobolants. Et c’est sans doute parce que la peinture blanche est soudainement devenue trop rare et trop chère qu’on a étalé des bandes vertes sur les routes.Au-delà de ces pratiques somme soutes bénignes, des craintes autrement plus sérieuses se font jour. Voyons, par exemple, la création annoncée du Parlement arabe. Chaque pays y serait représenté par quatre Parlementaires, quel que soit son poids démographique. Parmi les pays arabes, certains ne disposent pas de Parlement, jugeant sans doute qu’il est intitule et qu’il s’agit d’une simple coquetterie d’Occidentaux. D’autres disposent d’un semblant de parlement, dûment désigné… Lorsqu’on sait que le propre d’un Parlement est de légiférer, le Parlement arabe n’aurait d’autre vocation que d’œuvrer à l’uniformisation des législations des pays membres de la Ligue. La relation de la majorité des régions arabes à la démocratie étant ce qu’elle est, bonjour le nivellement par le bas ! Autant changer de sujet…Un fait divers a secoué l’Amérique et ému le monde ces jours derniers. Une femme plongée dans un coma profond depuis quinze ans est au centre d’une polémique planétaire. Le mari, évoquant les vœux mêmes de son épouse, demande le débranchement du tuyau par lequel elle est artificiellement maintenue en état négatif. Les parents de la malheureuse ne désespèrent pas de la voir reprendre conscience et s’y opposent catégoriquement. La justice s’en mêle, puis le Congrès des Etats-Unis et même la Maison- Blanche ! Le débat est dans la rue et divise l’Amérique. Un généreux milliardaire a même proposé un million de dollars au mari pour renoncer à sa requête. C’est que l’Amérique puritaine qui est pour la peine de mort est contre l’euthanasie ! En Algérie aussi, le débat sur l’euthanasie fait rage au sein de la classe politique. Louiza Hanoun y est farouchement opposée. Elle ne veut pas croire à la mort du trotskisme et refuse le débranchement du tuyau qui relie le Trésor aux entreprises publiques moribondes. Les caciques du FLN et leur “famille révolutionnaire” s’opposent aussi à ce débranchement, comme ils refusent d’enterrer la légitimité historique. L’UGTA est contre, mais elle nuance de plus en plus ses propos. Le chef du gouvernement, toujours hésitant, opte pour une position médiane : il propose la réduction du diamètre du tuyau. Les chefs de partis réduits à des appareils fantomatiques sont unanimes contre l’euthanasie et se refusent à voir mourir leur rachitique création. Pour leur part, les partis islamistes se moquent bien de ce débat puisque la réponse est dans le saint Coran.Au rang des défenseurs acharnés de l’euthanasie on compte, entre autres acteurs, Temmar, Benachenhou et Amara Benyounès. Ils considèrent que si chacun a droit à une vie décente, une mort décente est aussi un droit. Ils sont viscéralement contre le maintien artificiel de la vie qui, selon eux, est chère, inutile, voire dommageable. Grosso modo ils estiment qu’une entreprise, comme un être humain, doit pouvoir générer sa propre énergie vitale ou disparaître. Le président Bouteflika ne s’est pas clairement prononcé sur le sujet. Il vient néanmoins d’administrer la preuve qu’il est plutôt opposé à l’euthanasie puisqu’en dernier recours, il n’a pas osé débrancher le tuyau qui maintient la Ligue arabe dans un état négatif depuis soixante ans !
A. R.
