La Dépêche de Kabylie : Vous venez d’être réélu à la tête de la Chambre de commerce et d’industrie du Djurdjura, cela dénote de la confiance placée en vous par les opérateurs économiques. Quel sera votre plan d’action durant ce nouveau mandat ?ll Ameziane Medjkouh : Permettez-moi en premier lieu de remercier vivement tous ceux et celles qui ont participé au renouvellement des instances de la Chambre de commerce et d’industrie du Djurdjura (CCID). L’engouement constaté durant les deux tours des scrutins du 19 janvier et du 2 février 2006 témoigne de la maturité et de la prise de conscience de nos chefs d’entreprise tant à Bouira qu’à Tizi Ouzou aussi bien dans le secteur public que privé. La confiance de mes pairs opérateurs économiques se traduit, pour moi ainsi que pour mes deux vice-présidents, MM. Banouh Hamdane et Ahmed-Ali Djaffar, par une double responsabilité face aux attentes légitimes de nos collègues que nous inscrivons d’ores et déjà au travers de notre programme d’action.Nous lançons un appel à la concertation en matière de stratégie de développement local à tous ceux qui ont une relation avec l’investissement, notamment les élus des APW, APC, les exécutifs des wilayas de Bouira et de Tizi Ouzou, les organisations patronales et syndicales, l’université…etc. Car il est nécessaire d’avoir une cohésion dans l’analyse et la réflexion afin d’obtenir une cohésion dans toute action sur le terrain. Aucun acteur légitime ne doit être exclu d’une telle démarche. Cette éthique a souvent fait défaut durant les dernières années, chacun travaillant sa copie sans concertation véritable avec les autres, pensant toujours détenir la formule miracle.Dans notre plan d’action, nous accorderons une attention particulière à la mise à niveau et à l’assainissement physique et foncier des zones industrielles, d’activités et de dépôt afin d’émarger, dans la mesure du possible, au programme national du ministère de l’Industrie et de Restructuration concernant ces zones industrielles et autres, de manière à préserver la compétitivité de nos entreprises face à la concurrence extérieure. Des chambres de commerce étrangères à l’instar de celles de Vendée et de Vichy, souhaitent développer un partenariat avec la CCID. Il s’agit des Chambres de commerce de Savoie, Bordeaux et de Seine-Saint-Denis avec lesquelles des complémentarités seront mises en place.
Le bilan de ces cinq dernières années sur le plan de l’investissement est plutôt mitigé. Quelles sont, selon vous, les raisons de la réticence des opérateurs nationaux et étrangers pour s’installer en Kabylie ?ll Tout d’abord, il faut revenir à une réalité économique et faire preuve de pragmatisme dans le classement des risques projets. Le doute et l’incertitude sont des facteurs dissuasifs et la Kabylie a été, malheureusement, au premier rang de ces indices tout au long de ces dernières années. Il ne faut pas oublier que nous avons aussi connu des délocalisations qui sont maintenant un mauvais souvenir. D’autre part, en matière d’investissement, il y a aujourd’hui une compétition interwilayale pour accueillir les porteurs de projets ; les wilayas voisines telles que Bejaïa, Boumerdès, Blida et Alger sont de l’avis de certains opérateurs, jugées plus attrayantes. Sur les wilayas de Bouira et Tizi Ouzou, les collectivités locales, l’administration et nous-mêmes, n’arrivons pas encore suffisamment à inciter et séduire les investisseurs potentiels. Nous devrons à l’avenir déployer de nombreux efforts en commun pour combler un déficit énorme en matière de développement. J’en veux pour exemple, afin d’illustrer cette situation, la semaine dernière, nous avons tenu une rencontre concernant une des zones les plus attractives de la wilaya de Tizi Ouzou, son organisme gestionnaire, qui déploie des efforts méritoires, que je salue au passage, me confiait que créée depuis 1995, cette zone d’activité comptait 135 lots et n’avait toujours pas vu en 2006 son premier projet en activité. C’est pourquoi j’exprime, une fois de plus, mes vœux de voir l’Observatoire de l’investissement reprendre la place qui était la sienne afin de servir de levier puissant et pourquoi pas organiser des journées sur l’investissement sous forme de forums. Cela fait plus de cinq ans qu’aucune manifestation de ce genre n’a été réalisée, exception faite de la réunion de concertation organisée sur l’initiative de la CCID en avril 2003 au siège de la wilaya de Tizi Ouzou.
Alors que l’activité économique légale se heurte à des problèmes d’ordre administratif, le commerce informel vient s’ajouter à la liste des phénomènes qui dissuadent les opérateurs économiques à s’y installer. Comment comptez-vous faire face au commerce informel qui tend à se généraliser dans tous les secteurs d’activité avec tout ce que cela peut générer comme pertes aux commerçants réguliers et au Trésor public ? ll Notre sentiment face au commerce informel a toujours été sans aucune équivoque. Il appartient à l’Etat et aux services de l’administration de faire appliquer la législation dans toute sa rigueur et ainsi mettre un terme à ces déviances de l’économie de bazar. Car ce type de commerce spolie et menace dans ses fondements mêmes l’organisation des règles universelles du marché, au détriment des commerçants qui eux subissent les contraintes liées à une activité commerciale répertoriée et légale. Le lutte contre le commerce informel est l’affaire de tout un chacun, producteurs, distributeurs, commerçants et associations de consommateurs, administrations et services de sécurité. Cette lutte passe également par la mise en place d’une nomenclature nationale sur la normalisation. Elle sert à lutter contre la contrefaçon qui fait des ravages dans notre économie, avec son lot d’ateliers clandestins.Le rôle des chambres de commerce et d’industrie pour ce volet se situe en amont sous forme d’actions de prévention et de sensibilisation.
L’enveloppe financière allouée pour la Kabylie pour la réalisation du programme quinquennal du président de la République est des plus conséquentes sans que cela ne soit reflété sur le terrain. Quelle en sont les raisons ? Croyez-vous en un sursaut de volonté pour entreprendre les grands chantiers économiques ?ll Cette dotation budgétaire est, en effet, la plus importante que la Kabylie n’ait jamais enregistré depuis l’Indépendance. Ceci m’amène à paraphraser cela : nombre de programmes spéciaux ou complémentaires ont été affectés à des wilayas sans que soient identifiés leurs concepteurs, sans savoir si ces derniers se situent au niveau central ou local et sans que l’on sache également si réellement il y a eu concertation entre ces deux niveaux en ce qui concerne leur élaboration.Les programmes complémentaires sont, bien sûr, toujours les bienvenus pour les wilayas qui se voient ainsi offrir des opportunités nouvelles, des chances supplémentaires de disposer de potentialités qu’elles n’attendaient guère. Il se manifeste, tout de même pour les populations, le désir à la fois d’être consultées en amont de l’élaboration de ces programmes qui les intéressent au plus haut point et de disposer d’instruments qui devraient leur permettre d’en suivre la mise en œuvre, d’en évaluer les résultats et de proposer des correctifs sur la base du bilan effectué.J’ajouterai que l’investissement public, à lui seul, ne peut être le moteur de la relance économique. Il faut une part importante d’investissement durable, que seules les entreprises peuvent réaliser si les conditions sont optimales. Dans les wilayas voisines, on parle de plus en plus maintenant de croissance économique. Nous en sommes encore, et je le déplore pour ma part, à susciter une relance prochaine. La volonté de voir les choses évoluer existe bien sûr, la preuve lorsqu’en novembre 2001, la CCID, la CNPA et l’ACT, avaient proposé une mesure de défiscalisation, peu de commerçants et même l’administration y croyaient vraiment, cinq ans après, les résultats de notre démarche nous ont donné raison.Je voudrais terminer par un souhait : que la wilaya de Bouira ne figure plus parmi les 10 wilayas les plus pauvres du pays. Et par une note d’optimisme, à la fin de l’année 2005, une entreprise de la wilaya de Tizi Ouzou a été distinguée par la Palme du meilleur couscous du bassin méditerranéen. J’espère qu’à l’avenir, d’autres entreprises nous offriront ce privilège d’honorer notre chère Kabylie.
Entretien réalisé par M. A.Temmar