Un territoire, un décor et des potentialités

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La partie nord de la wilaya de Bouira, enserrée entre le Djurdjura et la chaîne des Bibans, fait partie du grand couloir géographique tracé par le cours de la Soummam. Cette zone se distingue du reste du territoire par la rencontre des deux étages bioclimatiques subhumide et semi-aride qui lui confèrent des caractéristiques écologiques particulières et des potentialités agricoles fort diversifiées. Ce couloir est long d’environ 60 km et commence à la banlieue est de la ville de Bouira pour prendre fin, administrativement, dans la localité de Toghza, limite avec la wilaya de Béjaïa. Cette vallée fertile et convoitée est drainée par le cours de la Soummam au travers de ses différents affluents. De 510 m d’altitude, dans la ville de Bouira, le terrain s’abaisse imperceptiblement jusqu’à 210 m à Toghza. À partir de cette dernière bourgade, l’altitude décroît jusqu’à l’embouchure de la Soummam, dans la ville de Béjaïa. Pour la petite histoire, la limite administrative entre les trois wilayas (Bouira, Tizi Ouzou et Béjaïa) est une ancienne limite entre les deux anciens départements de Constantine et Alger qui remonte au 19e siècle. Cette limite administrative frappée par l’inamovibilité commence à l’Oued Targa, suit les crêtes des mont Affroum et Hellala, passe par le bois de Boukhaled, s’enfonce dans l’Oued Kramis et Assif Amarigh, épouse le lit de Assif Ath Hamdoun et aboutit, enfin, au col de Tirourda. La géologie de la région nous apprend que le sol de l’Oued Sahel remonte à l’éocène et miocène (entre 25 et 65 millions d’années). Ce sont des terres d’alluvions ayant reçu les produis fins de l’érosion d’un impluvium vaste de quelque 2440 km2 et recevant en moyenne 650 mm de pluie par an.

Une voie stratégique et une histoire de dépossessionL’actuelle route nationale (RN5), qui fait la jonction Alger-Constantine sur 430 km, était une ancienne voie berbère qui, sous occupation romaine, était connue par les embuscades et les barrages fiscaux que les autochtones tendaient aux Romains de passage. Par conséquent, l’administration romaine eut recours à un autre chemin pour faire passer sa cavalerie et ses fantassins d’Alger vers l’Est du pays. Le choix se porta alors sur une voie de montagne dans l’espoir de soustraire la soldatesque romaine à la furie des Berbères. La puissance occupante traça l’actuelle route départementale (CW.20) allant de Berrouaghia à El M’hir et passant par Djouab (ex-Masqueray) et Sour El Ghozlane. D’ailleurs, cet itinéraire est actuellement riche de vestiges romains.Les lois du Senatus-Consult auxquelles ont été soumis les Algériens à partir de 1863 aboutirent à la dépossession des fellahs de leurs terres au profit des colons alsaciens et maltais. C’est pourquoi, les populations du Sahel bouiri se rendirent célèbres par leurs insurrections contre la puissance occupante. La dernière insurrection populaire menée par Cheikh El Mokrani à qui on prêta solennellement allégeance se déroula en pleine application des décrets du Senatus-Consult qui avaient dépossédé les habitants d’El Asnam, Bechloul, Haïzer et M’chedallah de leurs terres.Ces terres, en majorité alluvionnaires, sont les plus accessibles et les plus riches de la wilaya de Bouira. D’El Asnam jusqu’à Chorfa et Taourirt, le sol offre un aspect léger et profond, nourri en profondeur par une nappe phréatique conséquente. En effet, le bassin hydrogéographique de la zone reçoit annuellement quelque 380 millions de m3.

Hautes potentialités agricolesEn matière d’activité agricole, la région est en train de connaître un indéniable retour à la croissance. Après un passage à vide dû aux différentes restructurations et phénomènes d’insécurité, le secteur commence à retrouver les voies du salut par l’initiative privée et les différents soutiens des pouvoirs publics, particulièrement le FNRDA. Outre les céréales, la région d’El Asnam connaît un regain d’intérêt pour l’arboriculture et le maraîchage. Le nouveau credo semble être la pomme de terre, la pastèque, le melon et l’oléiculture.A partir de Taourirt ou sur la Crête des Turcs, on peut dominer les rives du lit majeur de l’Oued D’hous où la pratique du maraîchage est devenue une pratique à part entière et source d’une substantielle rente. Un nouvel investissement vient bousculer encore la situation et booster le secteur vers plus d’inventivité. Il s’agit bien entendu du barrage de Tilesdit, dans la daïra de Bechloul, qui compte une capacité de rétention de 167 millions de m3. Achevé il y a une année, cet ouvrage installera une situation nouvelle dans toute la vallée de l’Oued D’hous et même au-delà (Beni Mansour, Ath Leqsar, Bordj Okhriss,…) de par les possibilités d’irrigation et l’adduction d’eau potable qu’il permet. À la sortie de Bechloul, on aborde le hameau de Bouaïche à partir du CW 8 sur Tikjda. Ici, la vallée s’ouvre largement pour séparer El Adjiba de Semmach. Le spectacle qui s’offre à nos yeux est différent de celui d’El Asnam. Hormis quelques parcelles réservées aux céréales ou à la carde, le reste de la vallée est une vaste oliveraie à perte de vue et que l’on ne peut dominer du regard que par hélicoptère. Même le lit du cours d’eau est planté. Le même couvert en nappe continue sur Ighrem, Chachaou, Azzouz, Berghout, Ahnif, Beni Ikhlef, jusqu’à la ville de M’chedallah qui se trouve enserrée entre l’oliveraie des Ouled Brahim et Ouled Ali Ben Toumi d’un côté et la pinède qui prend naissance au nord de la ville à partir de Taâricht Bouchène. M’chedallah et Raffour ne sont séparées que par une oliveraie qui commence au niveau du marché hebdomadaire et se prolonge jusqu’à Chorfa. Il faut dire que l’économie locale est rythmée par la production de l’huile d’olive : un produit dont la réputation- non usurpée- va au-delà de la wilaya de Bouira. Même si parfois le prix du litre monte jusqu’à 250 ou 300 DA, l’on n’est jamais déçu par la qualité de l’huile des Imch’dallen. Les clients se rendent souvent dans les huileries disséminées à travers le territoire de la région pour s’approvisionner à la source. La vallée du Sahel, c’est aussi le lieu de passage vers l’Est Algérien. À ce titre, la RN 5 constitue un axe stratégique et qui supporte pas moins du tiers du trafic routier national. Des relais et auberges parsèment cet itinéraire, mais le niveau de prestation est encore loin des standards établis en la matière malgré le caractère stratégique de l’activité. Il se trouve malheureusement vrai aussi que cet axe routier est un tombeau à ciel ouvert tant la fréquence des accidents de la circulation qui s’y produisent dépasse l’entendement. Des familles sont quotidiennement endeuillées par la perte des leurs sur une route qui a, depuis longtemps, atteint le seuil de saturation. Le seul espoir pour mettre fin à cette hécatombe réside dans le projet d’autoroute Est-ouest qui est en voie de réalisation.

Amar Naït Messaoud

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