Annoncé en grande pompe en 2009 par l’ancien ministre des Transports, Amar Tou en visite dans la wilaya de Bouira, le projet de réalisation d’une double voie ferrée électrifiée devant relier la ville de Thénia (wilaya de Boumerdès) à Bordj Bou-Arreridj, en passant par Bouira sur un linéaire de 82 kilomètres, n’a toujours pas été lancé. Ce projet structurant, dont le coût s’élève à plus de 1,7 milliard d’euros et inscrit dans le cadre du programme national pour le développement du secteur ferroviaire, connait depuis plusieurs années une multitude d’entraves qui bloquent toujours le lancement des travaux de réalisation, à commencer par les nombreuses oppositions des propriétaires terriens, particulièrement dans la région Est de la wilaya de Bouira. C’est surtout l’atteinte aux terres agricoles de haute valeur qui est mis en exergue par les citoyens et les élus des communes d’El Esnam, Bechloul, El-Adjiba et M’Chedallah, et ce, vu que le projet en question touchera plus de 500 hectares de terre agricole à haute rentabilité une cinquantaine d’habitations et plusieurs édifices et autres bâtiments agricoles et industriels. Du côté de la commune d’Ath-Mansour, un CEM qui a été récemment réceptionné est touché par le tracé et donc appelé à être démoli. Au niveau de la commune d’Aomar, un viaduc qui longera l’oued et passera près de la ville sur deux kilomètres risque de chevaucher avec la pénétrante de l’autoroute Est-ouest vers la wilaya de Tizi-Ouzou, alors qu’à Kadiria, en plus de certaines bâtisses qui seront appelées à être démolies, c’est toute la ville qui se retrouverait, si jamais ce tracé venait à être retenu, otage et enclavée entre l’autoroute et cette voie ferrée. La seule gare ferroviaire prévue pour la wilaya de Bouira est celle du chef-lieu. Un chef-lieu dont les concepteurs avaient prévu un tunnel de plus de cinq kilomètres et qui évitera à la ville les emprises et les remises en cause des plans urbanistiques déjà approuvés. Tous ces éléments ont fait que les travaux du méga projet n’ont pas été lancés à ce jour. Un dossier complexe auquel se sont ajoutées les réserves formulées, en 2010, par les deux entreprises chargées de ce projet (un groupement chinois et un autre turc), concernant l’étude initiale réalisée par un bureau d’étude italien.
Une inscription qui remonte à 2009 sous… Amar Tou
En effet et selon une source proche du projet, ces deux entreprises ont demandé la réalisation d’une nouvelle étude technique, qui comporterait au moins deux nouveaux viaducs ainsi que le changement du tracé et ce, en raison notamment de la multiplication des oppositions et des entraves techniques. Pour ce qui est de la longueur globale des tunnels, qui étaient prévus sur un itinéraire global de 16 km d’après l’étude initiale réalisée, il s’est avéré que cette distance devrait dépasser une vingtaine de kilomètres, d’après l’étude réalisée par le groupe sino-turc. D’où les réserves émises par le groupement d’entreprises en charge du projet, lequel a exigé une rallonge pour l’entame des travaux, car une nouvelle étude signifie systématiquement une réévaluation financière du projet, qui coûtera donc plus de 1,7 milliard d’euros, somme prévue par le ministère des Transports. Toujours selon la même source, la demande n’a pas été validée par les pouvoirs publics. À partir de 2013, plusieurs réunions ont eu lieu entre le directeur général de l’agence nationale des études et de suivi de la réalisation des investissements ferroviaires (Anesrif) et les autorités locales de Bouira pour tenter d’aplanir les contraintes qui ont bloqué le projet. Des réunions qui n’ont pas donné de résultats, puisque le projet n’a pas encore été lancé et les oppositions n’ont pas aussi été levées. Notons aussi que les entreprises concernées ont été destinataires de plusieurs mises en demeure, adressées par l’Anesrif, les obligeant à entamer les travaux sous peine de sanctions. Interpelé à propos de ce blocage par des élus de l’APW de Bouira lors de la session ordinaire du mois de mai dernier, le directeur de transport de la wilaya (DTW) a assuré que «l’Anesrif et le sino-turc seraient en pleines négociations en vue de mettre un terme au litige financier qui a compromis ce projet d’envergure». Au niveau de la wilaya de Bouira, le même responsable a annoncé des démarches d’expropriation et d’indemnisation à lancer prochainement, tout en affirmant que le projet sera relancé incessamment. Malgré l’importance économique et stratégique de ce projet, l’atermoiement des services concernés, notamment ceux de l’Anesrif, n’augure rien de bon. Pire encore, ce projet risque d’être tout simplement compris, surtout dans le contexte économique actuel marqué par une terrible chute des prix du pétrole et le gel de plusieurs projets de développement importants, à l’image de ceux de l’hydraulique et de la santé.
Oussama Khitouche