La figue de barbarie, un fruit mal exploité

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La figue de barbarie, ou Akermus, est un fruit nourricier, fort répondu en Kabylie, notamment dans la région d’Ath Waghlis. Mais il reste marginalisé par la population locale. Ce fruit, très apprécié par les anciennes générations, a de nos jours perdu de son aura, notamment auprès des jeunes qui rechignent à le consommer. Le fruit est pourtant très riche. D’immenses étendues sont recouvertes de figuiers de barbarie poussant généralement au pied de montagne de l’Akfadou. Les villages situés à de basses altitudes connaissent un foisonnement de ce fruit qui n’a nullement besoin d’entretien s’adaptant à toutes les conditions climatiques. La localité de Chemini possède une vaste étendue de ce fruit comestible. Il suffit de s’armer de patience et de bonne volonté pour s’approvisionner, tôt le matin de préférence afin de profiter de la fraîcheur matinale. La figue de barbarie est une baie charnue qui se décline en deux variétés : la première est hâtive poussant à de très basses altitudes. Quant à la deuxième, elle pousse à des altitudes moyennes, avoisinant les 600 mètres.

L’abondance de ce fruit n’a pas laissé indifférents certaines jeunes, qui voient en lui une source de revenue et un gagne-pain. Sur les bords des différentes routes nationales, à l’image de la RN 26, le fruit est exposé dans des brouettes, des bidons de peinture, des caisses en carton ou sur des étals de fortune. On trouve même le fruit vendu pelé à 20 DA la pièce par des gamins. La plupart de ces enfants sont issus de familles démunies et marchent des kilomètres pour arriver aux abords des routes à grande circulation. La RN26, connue pour son grand trafic de voitures, est devenu un grand marché pour ces vendeurs à la sauvette. Farid, Nassim et Hakim, âgés de 14 à 16 ans, tous des écoliers, viennent d’un douar avoisinant la bourgade de Takrietz afin de gagner quelques dinars et d’aider leur père, chômeur, dans l’espoir de faire face aux multiples dépenses de la rentrée scolaire. «Nous sommes obligés de travailler pendant cette saison des vacances. Notre père ne travaille pas et nous sommes 10 membres dans la famille. Nous les garçons sommes les plus âgés, nous cueillons ces fruits de notre douar et nous descendons tôt le matin pour les vendre», nous confie Hakim.

De Tazmalt à Yemma Gouraya

De Tazmalt, en passant par Akbou, Ouzellaguen, Takrietz, Sidi-Aïch jusqu’à la ville de Bgayet, bon nombre de jeunes s’adonnent à la commercialisation de ce fruit, en le proposant aux usagers de cette route à des prix variables. La figue de barbarie a fait son apparition en ce début du mois d’août, disputant la place à d’autres fruits tels que la pastèque, le melon, la nectarine, le raisin et la pomme. Munis de bidons bien remplis, ces commerçants d’occasion choisissent souvent les routes où le trafic routier est dense pour pouvoir écouler leur marchandise auprès des automobilistes. Un panier bien plein est cédé à 500 dinars, et vous pouvez avoir un fruit à 20 dinars. Un commerce juteux qui attire de plus en plus de jeunes. Ces jeunes vendeurs étalent leurs marchandises sous l’ombre des eucalyptus et ne tarissent pas d’arguments pour tenter la clientèle. La figue de barbarie devient en effet blette en fin de journée. Et afin d’éviter que leur marchandise ne soit gâchée, ces jeunes vendeurs sont prêts à céder leurs produits à n’importe quel prix.Originaire d’Amérique centrale et du Mexique, le figuier de barbarie fait partie de la famille des cactacées et se décline sous forme d’un cactus arborescent pouvant s’adapter à des conditions extrêmes. C’est une plante qui a su développer des propriétés exceptionnelles lui permettant de résister à l’âpreté du climat, aux grosses chaleurs et à des terres arides, voire désertiques. Ce fruit exotique que les scientifiques appellent Opuntia ficus-indica est une plante grasse, caractérisée par des tiges en forme de raquettes épaisses, elliptiques, surmontées au printemps de belles fleurs jaune vif auxquelles succèdent des fruits ovoïdes verts jaunâtres, parfois teintés de rouge. Des études scientifiques ont prouvé qu’en sus des qualités nutritionnelles de la figue de barbarie : pauvre en calories, riche en eau, sucre, sels minéraux, vitamines A et C et fibres… d’autres vertus thérapeutiques et médicales lui son attribuées. Son huile très rare, riche en vitamine E et acides gras essentiels, possède de remarquables vertus anti-oxydantes et anti-radicalaires. Des guérisseurs marocains l’utilisaient comme un baume pour effacer les cicatrices, comme elle aide la peau à restructurer les tissus cutanés, notamment le visage et le cou, lui redonnant fermeté tonicité et élasticité. C’est un excellant antiride utilisée en cosmétique, car il régénère les cellules et répare les fibres de collagènes et d’élastines.Outre toutes ces vertus, la figue de barbarie peut être utilisée en gastronomie pour confectionner différents plats. En Kabylie, la figue de barbarie est consommée seulement en tant que fruit. Tous ses autres multiples usages sont ignorés ou délaissés. Les jeunes raquettes du cactus sont également consommables et peuvent se décliner en salade, en friture ou carrément conservée dans du vinaigre. De célèbres restaurants mexicains se sont fait la réputation de les proposer sous différents plats. Mais chez nous, ce fruit, pourtant emblématique, ne connaît pas encore son heure de gloire.

Bachir Djaider

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