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La Kabylie est-elle à l’abri ?

Enquête réaliséepar Djaffar Chilab

Tout d’abord qu’est ce que la grippe aviaire ? «C’est un virus qui touche la volaille. Et la volaille peut contaminer l’homme si ce dernier est en contact avec le sujet atteint. Une fois détecté, il est recommandé de circonscrire le foyer, procéder à l’abattage systématique des volailles sur un rayon de 3 km, et désinfecter minutieusement les lieux. Un autre périmètre de contrôle avant l’accès ou sortie de la zone est arrêté sur un rayon de sécurité de 13 km. Chez l’homme, des soins urgents doivent être prodigués sous peine de se retrouver devant des complications toutes aussi fatales». Ainsi définissent, chacun dans son domaine, M. Abtout Loucif, inspecteur vétérinaire, et Dr Madiou, chef de service de la prévention de la wilaya de Tizi Ouzou, le mal dans un langage à la portée de tous. «Pour le moment, en Algérie aucun cas n’a été détecté», rassure pour sa part Chaguetmi Jamel, directeur de la santé et de la population de la même wilaya. «Aucun cas signalé en Algérie»A travers le monde, selon les chiffres de l’Organisation mondiale de la santé, près de 160 cas ont été déclarés sur des sujets humains, notamment en Chine, en Malaisie, au Pakistan, en Inde, en Turquie, au Nigeria, et tout récemment en Bulgarie, en Grèce, et en Italie. «Comme le corps humain n’est pas suffisamment immunisé contre ce virus de la volaille, ce dernier devient alors assez dangereux, et peut tuer», explique Dr Madiou. Sur les 160 cas conffirmés dans le monde, il ya eu jusque-là quelques 89 décès qui ont succombé à des complications. «Le grand inconvénient c’est qu’il n’y a pour l’heure aucun vaccin contre ce mal. Il ya juste un traitement prescrit, à savoir un anti-virale disponible en Algérie. La population à risque, est celle qui vit au contact direct de la volaille, c’est à dire les gens du métier de l’élevage de volailles. C’est pour ça qu’on ne parle pas d’épidémie. La grande appréhension du monde est justement que ce virus de la volaille puisse subir dans le futur une mutation dans le corps de l’humain, et deviendrait par la suite transmissible d’homme à homme», explique-t-il encore. On serait alors devant une «pandémie» à haut risque sur l’humain. «Mais pour l’heure, ce n’est pas le cas. C’est vrai qu’il y a alerte pour tout le monde mais ce qu’on peut faire pour le moment, c’est de rester vigilant, et attentif. Il y a les services de l’agriculture, l’inspection vétérinaire, la direction des forêts avec les gardes champêtre qui surveillent avec des jumelles professionnelles le passage éventuel des oiseaux migrateurs, la direction de la santé, et même les collectivités locales, et les services de sécurité qui sont mis à contribution pour veiller. Comme on compte aussi sur la participation des citoyens qui nous signalent à chaque fois des cas de volailles malades ou suspectes ? Le laboratoire de Drâa Ben Khedda est également mobilisé pour la circonstance. C’est un dispositif de prévention qui est activé sur le terrain à travers toute la wilaya, notamment au niveau des grands parcs forestiers», dira M. Chaguetmi Jamel qui se veut pour l’heure rassurant qu’“aucun cas de cette grippe n’est signalé à Tizi Ouzou, ni ailleurs en Algérie. La menace : ces oiseaux migrateurs venus d’AsieMais ce n’est pas pour autant que la population pourrait réduire sa vigilance. Bien au contraire. «Il faut rester très regardant, et attentif, on ne sait jamais», recommande-t-il très sérieusement. Selon Dr. Madiou, la plus grande menace de contamination de la grippe aviaire viendrait de ces oiseaux migrateurs venant d’Asie pour aller rejoindre le lac de Dakar au Sénégal où ils se multiplient. «Après leur départ d’Asie, ils ont pour habitude de traverser l’Europe centrale pour déboucher dans le ciel espagnol et portugais avant de prendre la direction du sud en passant par le Maroc, la Mauritanie pour enfin se poser au Sénégal. Au retour, ils remontent par la Turquie via la Libye, et l’Egypte». A s’en tenir à ce «plan de vol», l’Algérie pourrait être épargnée mais «le risque zéro n’existe pas». La Kabylie comme l’Algérie entière reste sous la menace de ces oiseaux qui survoleront quasiment tous les pays qui lui sont frontaliers. «Le risque zéro n’existe pas» En effet, on imagine mal ces nuées d’oiseaux traverser le Maroc, et la Libye sans transgresser le moindre centimètre du territoire algérien. Cela relèverait d’une énorme chance que personne ne pourrait garantir. «Personne n’est sûr de rien, dira encore Dr. Madiou. C’est pour cela que le monde entier est en ébullition. Ce n’est pas pour rien que l’OMS s’en est mêlé. D’ailleurs pour les cas du Nigeria, c’est elle qui les prendra en charge pour assurer suffisamment de moyens, et le meilleur traitement possible. Ce qui est bien chez nous, c’est que l’Algérie a pris la décision, il y a de cela déjà une année, de ne plus importer aucune volaille, même ceux qu’on appelle les oiseaux ornementaux venant d’Asie. De son côté l’inspection vétérinaire de wilaya reste en alerte. Des visites sont périodiquement pratiqués à travers les poulaillers ou autres lieux d’élevage de la volaille de manière générale pour assurer une surveillance continue». Les vétérinaires et techniciens de l’agriculture ont leur plan de prévention qui a déjà été mis en branle puisqu’ils ont déjà acquis des tenues spéciales avec masques protecteurs. «Cela fait suite à la cellule de veille installée par arrêté de wilaya datant du 20 octobre 2005. Nous sommes sortis sur le terrain pour tenir des séances de sensibilisations, et de vulgarisation de la maladie avec les acteurs de la filière avicole à travers toutes les subdivisions de la wilaya”. Au cours de la «surveillance active enclenchée pour la recherche du virus dans la nature», l’inspection a procédé, à ce jour, à 12 prélèvements effectués sur des oiseaux suspects. «Dix se sont avérés négatifs, et les deux derniers sont en cours d’analyse», révèle M. Abtout. Au sujet de la surveillance des lieux d’élevages. Quelques 150 vétérinaires entre fonctionnaires, et privés sont mobilisés à travers le territoire de la wilaya et procèdent aux inspections régulières selon la réglementation à laquelle est soumis chaque type d’élevage, «au minimum trois fois pour chaque série qui doit en outre disposer d’un livret sanitaire de suivi». «Le danger peut aussi venir de la poule de grand-mère»A travers la wilaya, l’on recense 960 bâtiments d’élevage de poulets de chair et de dindes, 219 bâtiments de poules pondeuse, 3 bâtiments de reproductrice chair et ponte implantés à Tizi Ouzou, Ouacif, et Tigzirt, et un bâtiment d’élevage de cailles à Boghni. Mais pour M. Abtout le plus grand danger est à appréhender dans les élevages clandestins non contrôlés notamment les élevages domestiques à ciel ouvert comme il est de coutume en campagne. «Dans un poulailler régulièrement inspecté par un vétérinaire, le virus est facile à détecter pour un professionnel. La volaille touchée présente tout de suite les symptômes, et généralement meurt au bout de trois jours. On a alors une petite mortalité qui se propage pour atteindre les 100% au fil des jours. Ce qui fait que les humains les plus exposés sont les professionnels de l’aviculture, à savoir les éleveurs, et les vétérinaires. Mais le danger peut aussi venir de la poule de grand-mère qui parfois s’abreuve en compagnie des oiseaux sauvages qui se posent dans le jardin». «Tout abattage non emballé et sans étiquette est clandestin»Cependant M. Abtout n’ira pas jusqu’à déconseiller la consommation de la viande blanche. «Tous les abattages qui se font au niveau des abattoirs sont contrôlés, et il n’y a aucun risque à consommer le poulet qui sort de ces abattoirs agréés bien sûr. Nous disposons de structures spécialisées suffisantes dont un abattoir principal d’une capacité de 2400 poulets / heure, comme nous avons 8 tueries de 500 poulets / jour à travers la wilaya. Peut-être que le fonctionnement n’atteint pas les 100 % mais ça devrait répondre à la demande locale. Ce qui nous inquiète par contre, c’est les éventuels abattages clandestins. Le poulet qui sort d’une structure agréée, et contrôlée est automatiquement emballé et étiqueté portant le nom de l’abattoir et la date de l’abattage», précise t-il avant de rassurer que la consommation du poulet suffisamment cuit ne présente pas de risque. «Le virus ne résiste pas à la chaleur», confirme M. Abtout. Il a préféré conclure toutefois avec cette formule pleine de sagesse : «Un poulet malade est plus dangereux vivant que mort et est plus dangereux mort que cuit».

D.C.

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