La Dépêche de Kabylie : L’information qui circule sur votre intérêt pour l’œuvre de Matoub, est-elle vraie ?ll Bachir Derrais : Oui. J’ai toujours pensé que Matoub Lounès est un personnage qui mérite mieux qu’un film. C’est un Algérien auquel on a fait beaucoup de tort. C’est un martyr mort dans des conditions atroces. Je pense qu’il n’a pas eu le temps de prouver aux gens qu’il n’était pas raciste. C’est un homme très humain et un artiste avant tout. Peut-être qu’il s’est retrouvé mêlé à la politique malgré lui, ou parce que les autres politiciens n’avaient pas le courage de dire ce que lui voulait transmettre à travers ses chansons. Il s’est révolté et s’est retrouvé malgré lui engagé politiquement. Mais il ne faut pas oublier que Matoub demeure un grand chanteur-compositeur. Il a une très belle voix et cela on l’oublie souvent quand on parle de lui. On le qualifiait plus de politicien agitateur que d’artiste on le taxait d’extrémiste, alors qu’il ne l’était pas. J’ai eu la chance de discuter avec lui plusieurs fois et je peux dire qu’il était tout, sauf d’extrémiste. Il était amoureux de la démocratie, de sa langue, de sa culture et il est tout à fait logique de les défendre aujourd’hui. Matoub Lounès était quelqu’un de spontané. Il n’avait aucune idéologie derrière. Tout ce qu’il faisait était fait par amour de sa culture et de son algérianité. C’est comme nos mères qui nous ont transmis l’amour de cette langue vieille de plusieurs siècles et de cette culture. On ne fait pas de ségrégation. Nous aimons notre langue et nous devons la préserver. Ce que Matoub véhiculait était des cris de colère et d’amour.N’avez-vous pas peur de toucher à cet immense projet, ou préférez-vous l’aventure ?ll En ce moment, je réfléchis seulement sur la question, peut-être que ce projet me prendra beaucoup de temps. Faire un film sur Matoub Lounès est un projet qui prendra des années de travail.
Oui, mais la vie de Matoub en elle-même est déjà complexe, comment voulez-vous l’aborder, Vous préférez prendre le côté artistique ou raconter sa vie en général ?ll Ce n’est pas un sujet qu’on peut aborder du jour au lendemain. Il faut faire appel aux spécialistes, aux connaisseurs. On doit prendre beaucoup de temps pour trouver les bonnes sources. On ne fait pas un film juste pour en faire un, on lui doit la fidélité. On ne peut pas écrire ou rapporter des informations sur Matoub dont on ne sera pas absolument sûrs.
J’insiste pour vous demander quel volet de la vie de Matoub prendrez-vous pour réaliser ce film ?ll Le côté humain. Je prendrais le côté artiste humain. On a souvent oublié que c’est un artiste qui a été adoré par tout le monde. C’est dommage qu’aujourd’hui, lorsque’on aborde Matoub, on le fait souvent en politique. C’est l’une des plus belles voix du monde. C’est un artiste complet.
Propos recueillis parFazila Boulahbal