L’enquête enclenchée pour déterminer les causes du décès d’une parturiente de 41 ans, samedi dernier, au cours de son évacuation de l’hôpital d’Aïn-Bessem à celui de M’Chedallah semble bien avancer.
L’hypothèse d’un décès pathologique a été retenue comme cause du drame. Ce sont là les premiers résultats auxquels ont abouti les trois médecins membres de la commission désignée par la direction de la santé et de la population (DSP) de la wilaya de Bouira. Selon une source médicale, qui a requis l’anonymat, le rapport préliminaire contenant les résultats de l’enquête a été remis, dans la soirée de mercredi dernier, au ministère de la Santé. Notre source affirme que, conformément aux conclusions mentionnées dans ce document, l’anomalie soulevée dans le rapport est l’absence de médecin spécialiste de garde. Il s’agit là d’une défaillance dans la gestion et l’élaboration du programme de garde. Ni chirurgien ni gynécologue ni encore moins un réanimateur n’étaient de garde ce soir-là. Donc, il est à conclure qu’il y a plus eu défaillance de prise en charge à l’EPH d’Aïn Bessem où il n’y a eu curieusement aucune garde dans cette spécialité ce jour-là. Selon la même source, la patiente est décédée suite à un arrêt cardiaque, dû à une tension basse, une pâleur cutanée intense et une astérie. Notre source explique, au sujet de ces symptômes, qu’ils sont dus à une rupture violente et à un non-respect du programme de suivi de la grossesse : «Elle a été reçue à la maternité de l’hôpital d’Aïn-Bessem, le samedi à 18h, pour accouchement éventuel. L’examen obstétrical effectué par la sage-femme de garde a conclu que l’accouchement n’était pas imminent. Mais devant la détérioration de l’état général de la parturiente qui a développé une asthénie associée à une pâleur intense et une hypotension tournant autour de 09/04, la sage-femme décida de son transfert au pavillon des urgences, qui se trouve de l’autre côté de l’établissement. Dès lors une question s’impose d’elle-même : Est-ce à une sage-femme de décider d’une éventuelle prise en charge ou du transfert d’une patiente ? Où était passé le médecin de garde ? Bref, le transfert de la patiente «a pris près d’une heure, faute de moyens». Mais de quels moyens parle-t-on ? D’un brancard ? D’une ambulance ? D’un infirmier ? C’est dire qu’il y a eu défaillance sur toute la ligne. «La malade a attendu le retour de son mari pour être déplacée», précise notre source. Au pavillon des urgences, on assure que toutes les dispositions nécessaires ont été prises par l’équipe de garde, même en l’absence d’un médecin spécialiste : «La parturiente a été reçue au pavillon des urgences à 19h. A l’examen clinique, le médecin retrouve une tension basse à 08/04 ; une pâleur cutanée intense, une asthénie et des troubles de conscience légers. La patiente a reçu les soins suivants : installation de trois voies d’abords veineux, la perfusion avec un soluté glucosé à 30%, un remplissage vasculaire, un bilan sanguin, une transfusion de culot globulaire et une administration de la Noradrénaline par seringue électrique. En gros, tout a été fait dans les normes à Aïn-Bessem, mais malheureusement et devant l’absence d’amélioration de son état de santé et devant l’absence de médecins spécialistes de garde, le médecin a décidé de son évacuation vers l’hôpital de Bouira».
Aucune garde spécialisée en gynéco n’était assurée
Dans le même rapport, les médecins enquêteurs ont, en effet, relevé que la première destination d’évacuation était l’hôpital de Bouira, plus proche que celui de M’Chedallah. Ce n’est qu’en cours d’évacuation que le médecin accompagnateur a reçu un appel téléphonique du directeur de garde, lui demandant de s’orienter vers M’Chedallah, en raison de l’absence de gynécologues de garde à Bouira : «L’ordre de mission délivré à l’ambulancier était pour l’hôpital de Bouira, mais le directeur de garde, qui a confirmé l’absence de gynécologues de garde à Bouira, a demandé à l’équipe d’accompagnement de se diriger vers l’hôpital de M’Chedallah, le seul dans toute la wilaya qui disposait ce soir-là d’une permanence de gynécologie. Durant le trajet, l’état de la patiente demeura toujours critique malgré les soins d’urgence prodigués par l’équipe médicale. Elle est malheureusement décédée à l’entrée de l’hôpital de M’Chedallah, où plusieurs tentatives de réanimation ont été entreprises en vain. Les tentatives pour sauver le bébé n’ont également pas abouti», ajoute notre source, qui affirme que les médecins enquêteurs de la DSP ont épinglé dans leur enquête, l’hôpital de Bouira, qui «ne disposait pas ce soir-là de gynécologues de garde ; malgré son effectif pléthorique en spécialistes. Au même titre que le responsable de garde de l’hôpital d’Aïn-Bessem, qui n’a pas pris le soin de réquisitionner un médecin spécialiste pour assurer la garde». A noter enfin, que l’enquête ouverte par le procureur de la République du tribunal de M’Chedallah est toujours en cours. Une nouvelle enquête sera initiée par une équipe spécialisée de l’audit des décès maternels, et ce, conformément aux textes de loi en vigueur.
Oussama Khitouche

