Tirourda, un village de résistants

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Tirourda est un village de haute Kabylie niché au pied du Djurdjura et faisant face au mont Azrou n’Thour. Il se trouve à quelques mètres en bas du col qui porte d’ailleurs le nom de ce village qui compte environ 3000 habitants et qui a donné à la révolution de Novembre 1954 quarante-huit martyrs dont les noms sont gravés sur le monument des Chouhada du village.

Le village Tirourda, dans la commune d’Iferhounène à 70 kms au Sud-est du chef-lieu de la wilaya de Tizi-Ouzou, «était parmi les villages de Kabylie dont les habitants s’étaient organisés pour lutter contre l’hydre intégriste du GIA, groupe islamiste armé avant même notre intégration dans le corps des GLD, groupes de légitime défense, en 1997», nous a déclaré un membre actif de ce groupe. Selon ce témoin, «Tirourda avait commencé à assurer la sécurité de ses villageois exactement le 15 octobre 1994, c’est-à-dire au lendemain de l’incursion des groupes islamistes armés dans la nuit du 14-10-1994 à l’intérieur d’un café du village où des fans de la JSK suivaient à la télé un match de football opposant leur équipe à un club africain, dans le cadre des éliminatoires de la coupe continentale des clubs». Et de poursuivre : «Cette nuit là les sbires du GIA sous ordre d’un certain Kaâkaâ avaient pris en otage environ une trentaine d’individus qu’ils obligèrent sous la menace d’armes à feu et de sabres entachés de sang à dénoncer tout citoyen du village possédant une arme de chasse», a souligné notre interlocuteur, qui mentionnera que les terroristes étaient repartis ce soir-là «avec un butin de 18 fusils de chasse». En revanche, indiquera-t-il, «depuis ce jour-là notre village s’est organisé en constituant des groupes de gardes armés postés à tour de rôle, de jour comme de nuit, dans les différents sites stratégiques du village afin de filtrer et de contrôler l’entrée de toute personne étrangère qui voudrait se rendre dans notre village». «En 1997, après la constitution dans la région des groupes de légitime défense dans le cadre de la lutte antiterroriste, 45 volontaires mobilisés avaient pris la relève, à priori, pour assurer la sécurité du village, dont quatre membres permanents mobilisés H24 qui travaillaient en collaboration avec les services de sécurité en leur fournissant des renseignements, mais également en les accompagnant dans les opérations à mener dans le cadre de la lutte antiterroriste, notamment les embuscades, afin de sécuriser le passage aux militaires vers l’endroit préalablement désigné pour mener une quelconque opération», raconte le même interlocuteur, avant de nous relater le déroulement d’une opération à laquelle il avait participé : «Dans les années 2000, un groupe du GIA a dressé un faux barrage au col de Tirourda pour racketter les automobilistes. Informé par les vigiles, le chef du groupe des GLD, en compagnie de la gendarmerie nationale de la daïra d’Iferhounène et de celle de Tassaft avaient encerclé les terroristes et attendu jusqu’à ce qu’ils aient libéré les automobilistes pour leur tirer dessus de peur de blesser les civils. Certains éléments du GIA avaient pris la fuite, tandis que d’autres ont été blessés ou tués. Selon les informations parvenues par la suite de la gendarmerie de Tassaft, deux corps ont été trouvés sur place, et tout le butin de leur racket, dont la jument qu’ils utilisaient pour transporter les ravitaillements, récupéré». D’autre part, notre interlocuteur évoquera au passage : «Durant l’hiver de l’an 2015, nous avions signalé aux services de sécurité deux jeunes barbus de passage par Tirourda, soupçonnés d’appartenance aux GIA. D’ailleurs, nous avions appris quelques jours plus tard que l’un de ces derniers a été abattu à Ait Saada, dans la commune de Yattafen, tandis que le second a été blessé et capturé. Après avoir subi un interrogatoire, il s’est avéré que c’était lui qui avait indiqué la cache dans un champ à Takhlidjt Ath Vou Youcef, commune d’Abi Youcef, où a été trouvé le corps du ressortissant français Hervé Gourdel, décapité pour rappel, par les salafistes le 23 septembre 2014. D’ailleurs, soulignera-t-il, une tête humaine a été trouvée par des bergers à proximité du mont Azrou n’Thor, quelques semaines après l’exécution du guide de montagne français. Une fois informés, nous l’avions ramassée et remise aux services concernés pour identification. Cependant, nous ignorons toujours s’il s’agissait du crâne d’Hervé Gourdel ou celui d’une autre personne. Mais quelques jours après cette trouvaille, l’on a annoncé qu’on a retrouvé la tête dudit guide Français». «En tous les cas, nous sommes au service de la nation et toujours mobilisés aux côtés des services de sécurité dans le but d’assurer la sécurité et la paix à notre pays», dira-t-il en guise de conclusion.

M. A.

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