Dans la région d’Ath Waghlis, comme dans toutes les régions de Kabylie, le mouvement migratoire plus que séculaire touche presque toutes les familles.
Et c’est en été que des contingents entiers d’émigrés reviennent se ressourcer dans leurs villages natals. Durant toutes ces vacances d’été le grand rush des émigrés était visible sur les routes et ruelles de tous les villages. Une noria de véhicules immatriculés à l’étranger, notamment en France, ou dans d’autres wilayas du pays, a fait partie du paysage tout au long des deux derniers mois. On est venu passer ses vacances au bled. Une ambiance particulière flottait dans l’air. Durant toute l’année, les villages, notamment ceux reculés, d’Ath Waghlis et d’Ath Mansour, demeurent quasi fantomatiques. Mais dès le début des vacances estivales, ils commencent à se remplir peu à peu de leurs enfants partis s’installer ailleurs. Le retour au bercail, même le temps d’une saison seulement, est plus que vital pour eux. Les retrouvailles sont belles, agrémentées de souvenirs d’enfance, des souvenirs de joie ou de peine. Et les fêtes de mariage sont l’occasion idéale pour se retrouver entre cousins et amis. Ces villages, perchés sur le flanc de la montagne de l’Akfadou, retrouvent une certaine animation, une certaine vie. On voit se côtoyer Algérois, Oranais, Constantinois et émigrés venus notamment de France. Ces familles installées ailleurs diront toutes tenir mordicus à ce retour à la terre des aïeux, aux racines. Elles ne veulent surtout pas couper ce cordon ombilical qui les lie à la Kabylie. «Le cours de la vie nous a menés sous d’autres cieux, mais le retour au bled, aux sources, nous est nécessaire, indispensable, un des moments heureux de la vie», nous confiera un jeune émigré installé en France. Les différentes bourgades de la localité constituent un havre de paix et un lieu de villégiature pour tous les estivants. La placidité des villageois ne laisse pas indifférents ces enfants qui reviennent fouler la terre de leurs ancêtres, habitués qu’ils sont à une cadence infernale de la vie citadine, au vacarme et au stress. Ces petites vacances passées au village sont, plus que jamais, un rendez-vous avec la sérénité avec la paix de l’esprit. Et l’on a la conviction que ce retour n’est plus prescrit, mais choisi.
«Les vacances au bled nous coûtent les yeux de la tête»
Mais toute bonne chose a une fin et il est l’heure de repartir chez soi. Après des vacances dédiées au ressourcement, à la plage, aux fêtes de mariage, ils repartent avec le sentiment que le temps a passé trop vite. Toutefois, les carences qu’enregistre le secteur du tourisme en ont frustré plus d’un. «Les vacances au bled nous coûtent les yeux de la tête. Avec la moitié de ce que je débourse pour venir en Kabylie, je peux aisément me la couler douce sur les côtes espagnoles, italiennes ou grecques», dira Massinissa, quadragénaire, installé en France depuis une vingtaine d’années. Et d’enchaîner : «Si j’ai choisi de passer les vacances avec ma famille en Kabylie, c’est uniquement par nostalgie. Autrement, le tourisme en Algérie est aux antipodes de ce qui se fait ailleurs». Le tableau de ces retours n’est donc pas idyllique, pas du tout exempt de contradictions ou d’un certain mal-être. Il faudra, il faut y remédier. Au-delà de l’animation qu’ils créent dans les villages, les émigrés sont aussi salvateurs compte tenu de la manne financière qu’ils apportent à leurs familles et à l’économie locale. Moult bourgades ont vu leur quotidien s’améliorer grâce aux dons des émigrés, lesquels ne lésinent pas sur les moyens pour aider leurs frères restés au bled. Un attachement viscéral à leur terre natale que d’aucuns ne peuvent nier.
Bachir Djaider

