La gare ferroviaire Seddouk – Takrietz dans la wilaya de Béjaia était, du temps de la colonisation, parmi les plus importantes de la vallée de la Soummam. Située dans la ville de Takrietz, à la frontière entre l’Arch d’Ath Ouaghlis et celui de Seddouk, cette gare a une histoire que même Ammouche Mohand, le grand chanteur kabyle de l’émigration, natif du village Tibouamouchine dans la commune de Seddouk a citée dans une de ses chansons: «A Takarietz inass ivava thidhats». C’était de cette gare, nous dit-on, qu’il a pris le train pour se rendre à Alger quand il a dû quitter son village. En ce temps-là il n’y avait dans la région comme transport que les taxis et le train. Pour l’ancienne génération, cette gare représente tout un pan de l’histoire commune de la région mais aussi un édifice à réminiscences. Mais hélas, aujourd’hui qu’elle est abandonnée à son triste sort, elle n’arrache que regrets et lamentations. Elle est devenue une vaste cour servant de parking aux gros camions et le lieu de prédilection des délinquants qui y viennent s’abreuver en boissons alcoolisées comme en témoignent les emballages et tessons de bouteilles de bière et de vin qui jonchent les alentours où fusent des odeurs nauséabondes et où s’entassent des tas de déblais provenant de travaux de démolitions. Il ne reste de cet ancien ouvrage que le quai. Durant les années 70 et 80, une animation fébrile s’emparait de cette gare de jour comme de nuit. Des voyageurs en grand nombre attendaient l’arrivée du train pour partir tandis que les taxis étaient alignés dans la cour pour transporter les voyageurs qui en descendaient. Le mardi passé quand le train ordinaire venant de Bejaïa en direction de Béni Mansour est arrivé à 9h du matin, il s’est arrêté pour prendre seulement une personne. Quant au rapide venant d’Alger en direction de Bejaia qui passait à 10h, il n’y a pas marqué d’arrêt. Dda Idir, un habitant de Takaâtz, se rappelle le bon vieux temps où il prenait le train pour voyager, lui qui constate avec amertume l’état de délabrement dans lequel se retrouve «sa» gare. «Depuis mon jeune âge, je prenais le train à partir de cette gare. Et ce sont aussi les citoyens des communes de Beni Maouche, Seddouk et M’cisna ainsi que ceux des communes de l’Arch d’Ath Ouaghlis qui voyageaient à partir de cette gare. Aujourd’hui, les voyageurs de ces communes se rendent à Sidi Aïch pour prendre le train. Mon souhait c’est de voir cette gare réhabilitée avec l’arrêt du train rapide», a-t-il dit. Durant la colonisation, le train était presque l’unique transport public de voyageurs. Aujourd’hui, on peut se rendre à Alger par bus, par avion et même par bateau, ce qui fait que les compartiments des trains sont quasiment vides. Deux à six personnes s’y surprennent à écouter le bruissement continu de la locomotive sur les rails. La SNTF qui projette de réaliser une deuxième ligne Bejaïa-Alger a mis pourtant tous les ingrédients pour la relance de ce secteur. Des voitures neuves pourvues de toutes les commodités, parallèlement à la réalisation de gares et à l’entretien des voies ferrées augurent d’un bon avenir pour le rail. Mais force est de constater que les lendemains meilleurs pour le transport ferroviaire ne pointent point à l’horizon…
L. Beddar