Le métier à tisser tel qu’il m’a été conté

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En s’acquittant de leurs tâches ménagères et de cuisine, nos mères et nos grands-mères s’adonnaient, jadis, à d’autres activités complémentaires. Elles cultivaient et moulaient le blé, orge et gland, charriaient l’eau et portaient leurs bois, lavaient, tissaient et peignaient la laine, travaillaient leurs champs, cueillaient leurs figues et olives, travaillaient l’argile, façonnaient des écuelles, des jarres, des cruches, des marmites, des plats, voire tous les ustensiles de cuisine dont elles avaient besoin pour une aussi modeste maison kabyle, à l’époque. C’était des tâches certes très pénibles, mais elles étaient indispensables pour l’équilibre économique d’un foyer kabyle.Quant à la nouvelle génération, les jeunes filles ignorent presque tout. Rares sont celles qui savent aujourd’hui travailler la laine et à un degré moindre, l’argile (la poterie). Pour en savoir d’avantage sur le travail pénible et passionnant (travail de fourmi) de la laine, nous avons interrogé une vieille spécialiste dans le domaine, écoutons-là : «A notre époque, presque chaque foyer disposait du matériel du métier à tisser, (Lahwl Uztta), qui sont les suivants, je cite «Issugra», qui sont deux barres de fer nécessaires pour le montage du métier à tisser : «tirgliwin», qui se résument en deux perches disposées verticalement pour supporter deux autres disposées horizontalement appelées: «iffegagen», «ax dur» qui n’est autre qu’un long bâton qui sert à séparer les fils de chaîne croisés auparavant. On trouve aussi d’autres pièces comme : «agebbad», petit bâton pour tirer au fur et mesure le tissu ; «tissukka», barres métalliques qu’on fait passer dans «Trigli», pour empêcher «affeggag», de montrer. Enfin «tayazilt», un peigne métallique pour tasser les fibres. Voilà brièvement tout le matériel nécessaire pour le montage du métier à tisser «azetta».Pour la matière première, qui est la laine, un travail de longue haleine s’impose. En effet, après délainage du troupeau, la laine doit être ensuite nettoyée, lavée, égouttée, puis séchée. L’opération suivante c’est le peignage, ou «Imched». Elle consiste à apprêter, démêler et épurer les fibres de la laine avec un peigne. C’est un instrument garni de pointes métallique pour peigner. Les flocons ainsi obtenus, subiront une opération suivante qui est le «cardage», ou «aqardache». Avec une carde, qui est un peigne muni de pointes fines en acier, on peigne et on démêle d’avantage les fibres. Après quoi, les feuilles obtenues seront filées, «opération de filage, ou «tulma». Elle consiste à filer, tordre et enrouler le fil obtenu autour d’un fuseau, ou dévidoir : «izdi». Le travail de la laine est donc terminé, donc place au tissage. Pour cela, il faut dresser le métier à tisser (azetta), il est tendu verticalement sur deux perches, à faible distance du mur. Il peut rester là, aussi longtemps que l’on veut. On s’assied alors, le dos appuyé au mur, on introduit les brins de la laine (adraf), entre les files de la laine (id), et on tasse avec un peigner de fer (tyzilt). On peut reproduire sur le tissu les dessins voulus. C’est un travail qui se fait par équipe, le jour comme de nuit. La durée de réalisation d’un article peut aller d’une semaine à trois, selon le produit à confectionner. (abernus, ahayek, ihambel, tagelabt), et selon les cadences. Voilà tout ce que je sais au sujet de ce métier, qui malheureusement, est en voie de disparition».C’était l’un des favoris métiers que pratiquaient, jadis nos mères, parmi d’autres travaux de leur besogne quotidienne. Mais de nos jours, avec l’avènement de produits aussi concurrents, tels que «la couverture à double face», les matelas de confort», «des couvre lits», etc, alors «ihmebel ou abarnus», qui étaient il y a peu de produits de première nécessité pour un foyer kabyle, sont appelés aujourd’hui à disparaître, pour peu que d’autres futures mamans décideront de prendre la relève.

Farid A.

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