Les paysans à pied d’œuvre

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En raison de la fonction sociale de la plus haute importance que remplit le calendrier agraire, notamment dans la société kabyle d’autrefois, l’existence sociale de cette région est régie en fonction des saisons qui lui confèrent un aspect des plus codifiés.

L’organisation des pratiques fait l’objet d’injonctions explicites et de recommandations. Ce faisant, à peine les premières averses tombées, les paysans de plusieurs patelins de la tribu d’Ath Waghlis se sont rués vers leurs oliveraies pour procéder à divers travaux de nettoyage, et ce, avant l’ouverture de la saison des olives. La période caniculaire, qui tend à se pérenniser, n’est pas sans conséquence sur le fruit noir, desséché par le manque de pluviométrie. C’est donc avec joie que l’on se rend à ses oliveraies et que l’on s’adonne à ces préparatifs qui sont adoptés comme de véritables rituels qui facilitent la cueillette des olives. Pour éliminer les mauvaises herbes, des actions comme le sarclage et l’essartage sont, entre autres, nécessaires pour entamer dans de meilleures conditions la collecte des olives. Râteau, hache, sécateur…sont des outils indispensables pour arriver à bout des maquis et des sous-étages ayant gagné les oliveraies. Le développement des adventices (plantes qui ne sont pas semées par l’homme) redessine chaque année le paysage de la campagne transformé par la force des choses en d’immenses épinaies. Une petite virée dans les champs et oliveraies de quelques bourgades nichées aux quatre coins de la vallée de la Soummam nous renseigne davantage sur la déliquescence de la culture arboricole, notamment les oliveraies. Des champs laissés en jachère, et pleins de friches, ont amplement accéléré la chute vertigineuse du nombre d’oliviers qui ne cesse de se réduire au fil des ans comme une peau de chagrin. Les champs ne sont pas labourés par leur propriétaire. Résultat des courses, des espaces broussailleux laissés à l’abandon au détriment de ces arbres centenaires qui font la fierté des Kabyles depuis la nuit des temps.

Améliorer le rendement

L’entretien de ce verger passe inéluctablement par l’enrayement des mauvaises herbes, comme il est conseillé d’ameublir le sol à dessein de l’aérer. L’épandage de fumier, l’élagage et le recouvrement des parties saillantes de racines par de la terre sont autant d’opérations qui peuvent améliorer le rendement de l’olivier. Au demeurant, l’abnégation de certains paysans à préserver cet héritage arboricole légué par leurs aïeux prolonge un tant soit peu ces pratiques vieilles comme le monde. Le calendrier agraire berbère fixe comme date butoir la dernière semaine du mois d’octobre, concordant avec « Lahlal », une date symbolisant l’amorçage pour l’entretien des champs et qui ouvre le bal pour la saison des labours. En d’autres termes, cette date qui ouvre la « porte de l’année » pour la saison des labours (lahlal n thagersa), marque le tournant le plus décisif de la période de transition. La période consacrée aux labours (le plus souvent appelée Lahlal, commence avec l’ouverture des labours (awdjeb), précédés du sacrifice d’un bœuf, acheté en commun (thimechret), dont la viande est partagée entre tous les membres de la communauté (adrum ou village). Toutefois, ce rituel d’immolation n’est plus d’actualité et, pratiquement, aucun village de la région ne perpétue cette tradition. Le terme Lahlal, et l’unité temporelle qui lui correspond, se définit pratiquement dans l’univers de la saison humide par opposition à lakhrif (labours et semailles opposant cueillette au séchage des figues, aux travaux de jardinage dans Tabhirt, le jardin d’été. Lors de lâalaf, des soins spéciaux sont donnés aux bœufs affaiblis par le dépiquage pour les préparer aux labours), mais il peut aussi se définir, dans le même univers, par opposition à Elyali, moment creux de l’hiver. Dans une toute autre logique, il peut être aussi opposé à toutes les autres périodes dites licites pour un type déterminé de travaux qui, effectués hors de ces moments, seraient illicites.

Bachir Djaider

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