«Deux petits êtres mal-aimés, frère et sœur, se cognent et se couvent l’un l’autre. Chacun connaît et partage les souffrances de l’autre… le poids de l’abandon… les errances inévitables avant une éventuelle éclaircie…
Chacun a affronté des amours sordides pour oublier… Les blessures de l’enfance – non cicatrisées – ne favorisent pas les amours stables. On fuit l’engagement… Vivre tout dans l’urgence et l’intensité plutôt que de subir l’ennui, l’abandon ou la désolation. Quand le frère, Rayane, accepte de pardonner à son père et croit en une illusoire réconciliation, il oublie que son «attitude féminine» est une barrière à sa véritable reconnaissance. Après cette dernière désillusion, il tombera encore plus bas. Seul son retour auprès de sa sœur Nihed lui accordera quelque répit. Cette dernière, pourtant rebelle et indocile, ne peut éprouver que de l’empathie pour son frère déjà fragile…» Rayane et Nihed, frère et sœur, sont très attachés à leur espace personnel, le petit appartement de leur enfance, tout en cherchant à s’en défaire. En s’éloignant de ce lieu rassurant, ils veulent par là aussi rompre leur lien. Ils cessent de se nourrir l’un l’autre pour aller à la conquête de leur propre désir. Il y a, en quelque sorte, deux thématiques abordées. La première serait «l’illusion» : tout ce qui concerne leur départ, l’idée d’une possible vie merveilleuse qu’il faut atteindre. Après, il y a «la réalité» avec tout son poids qui les rattrape. A leur manière, dans leur style de vie, ils décident de rompre avec la société poussant jusqu’à un point de non-retour cette rupture. Avec ce roman, «Les hommes et toi», paru hier dans les éditions APIC, l’auteure nous invite «à délaisser la figure du jugement ou de la morale pour emprunter avant tout le chemin de l’amour et de l’empathie». Originaire de la ville d’Oran, Selma Guettaf vit actuellement à Paris où elle poursuit ses études de Lettres modernes. Après un premier roman dédié à la jeunesse, J’aime le Malheur que tu me causes (Éd. Lazhari Labter, 2014), avec Les hommes et toi, l’auteure abandonne les garde-fous et affronte désormais le monde des adultes. Elle a été d’abord journaliste pour la presse écrite francophone oranaise, avant de se tourner vers l’écriture fictionnelle tout en poursuivant son parcours dans la recherche littéraire. En parlant de son livre Selma Guettaf dira :«Ce livre tient à mon attention symbolique que j’apporte à ses personnages et à cette volonté d’arracher certaines figures de la sphère du sacré dans laquelle la tradition littéraire veut les emprisonner, comme celle du rapport avec la mère ou le père. Il s’agit, dans ce récit, de dire quelque chose sur les crises désespérantes qui bouleversent parfois le quotidien d’une famille, toutes les interrogations qu’elles amènent, et voir comment elles transforment les rapports entre ces individus.» «Mon ambition est de témoigner de l’existence d’une génération nouvelle qui a dépassé la question de l’identité. C’est-à-dire qu’il n’y a plus d’ancrage. Ses personnages cessent d’être attachés à un milieu identitaire. Ils dépassent les limites d’un lieu déterminé pour se retrouver dans tout un espace ouvert qui les confronte à l’altérité et qui les pousse paradoxalement à faire face à leur propre intériorité.»
Kamela Haddoum.