Par Sadek Aït Hamouda
La scène artistique a perdu un de ses artistes majeurs, jeudi, au CHU de Tizi-Ouzou. Il s’agit en l’occurrence de Lounès Kheloui, un chanteur à la voix de baryton, juste et chaâbiste jusqu’au bout des ongles. Cet artiste a connu plusieurs modes avant d’opter définitivement pour le chaâbi qu’il a servi avec talent. Il avait un faible pour Cheikh El Hasnaoui auquel l’attachaient des relations épistolaires et une affection sans borne. Mais en cela, la maîtrise des «Tboêe» et des «bit ou siah» qu’il a «kabylisés» avec bonheur ne lui étaient pas inconnus, il était en intimité en leur compagnie. Il y a en Lounès Kheloui un combat, qu’il a laissé en jachère, la lutte modale entre l’expression chantée et dite dans le chaâbi. Ceci a été une fouille, de l’oreille et non théorique, du ton mélodique. L’école n’a rien apporté à cette musique, c’est l’apprentissage dans le tas qui la détermine, qui la définit et qui l’inscrit en tant que patrimoine national et au-delà exprime l’appartenance des «chaâbistes» à un underground social, comportemental, rituel parce qu’il s’agit en l’espèce d’un genre ritualisé à l’excès. Chacun des pratiquants adopte ses pratiques musicales, modiques, en fonction de ce qu’il a appris auprès de ses maîtres. Lounès est né le 14 mai 1950 à Tadarth Thamouqrant (Ihesnawen) dans une famille modeste. Il a commencé à chanter à l’âge de 16 ans, sa première chanson «Assadiw» date de 1961, mais il n’enregistre son premier produit «Zewjen» qu’en 1972. Ses thèmes de prédilections sont l’amour, la vie, la misère, l’exil. Ses maîtres restent Cheikh El Hasnaoui, Slimane Azem, Moh Said Oubelaid et le grand musicien Mohamed Alloua, dit l’albinos, avec lequel il a beaucoup travaillé. Il s’est éteint jeudi matin, à l’aube, à l’heure où le jour se déclinait, pourtant, sous des atours bienveillants, ensoleillé, radieux. On ne s’attendait pas à cette nouvelle, mais alors pas du tout. Il était encore jeune, et avait du talent, qu’agrémentaient une simplicité, une générosité débridée et une modestie digne d’un vrai artiste-paysan. Dans l’émission « Alhan Oua Chabab » où il est passé au tout début de sa carrière, Mouati Bachir avait confié à un musicien : «On dirait que c’est un djinn qui parle par sa voix». Cette voix s’est tue mais ses fans l’entendront tonner encore et encore. Il est parti l’artiste, à 66 ans.
S. A.H.