Au profond des mémoires

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Une enfance dans la guerre, Algérie 1954-1962, paru cette année, est le nouvel ouvrage de Leila Sebbar à travers lequel elle convie le lecteur à revisiter des épisodes de la guerre d’Algérie sous le prisme de la mémoire enfantine.

Une foison de petites histoires authentiques qui contribuent à l’écriture de la grande histoire qu’est le conflit qu’opposait le peuple algérien à l’occupant français. La mémoire des enfants est convoquée pour «relater les événement tels qu’ils les ont vécus, retenus, et, plus ou moins, déformés». Leila Sebbar a ratissé large, en demandant à des personnes, des deux rives de la méditerranée, d’extirper du tréfonds de leurs mémoires les souvenirs les plus marquants de la guerre. Au bout du compte, l’opus compulse une moisson de 47 textes concis, mais riches et intenses. Les témoins, qui défilent dans le livre, nous font revivre leurs déchirements, en nous racontant leurs destins écartelés. «Nous, enfants de l’Arabe et du Pied-noir, nos deux moitiés sont en guerre !», rapporte Nora Aceval, de père espagnol et de mère algérienne. A tout bout de champs, surgissent fatalement l’abjection et l’horreur de la guerre avec ses règlements de compte, ses tortures et ses exécutions sommaires. Ayant vécu les tourments de la guerre, Christiane Chaulet Achour se remémore une visite qu’elle avait rendu à Pierre Chaulet, son frère, sous les verrous : «on constate que devant Barberousse, des européens se sont détournés ostensiblement de nous. Manifestement, je ne les comprendrai que plus tard, nous ne venions pas voir le même type de prisonniers». On y parle aussi de la fin de la guerre. «Quand vint l’indépendance, la joie enterra les morts et les disparus et femmes et hommes s’assirent sur leurs cadavres sans remords. La fête fut longue et joyeuse…Je n’ai pas eu d’enfance ni de jouets, c’est que l’Algérie advenait au monde. Et moi avec», dispose Yahia Belaskri avec un brin de cynisme, teinté d’amertume. Leila Sebbar a également inséré une compilation de tranches de vie livrées par des figures du monde culturel, à l’image de Tassadit Yacine, Waciny Laredj, Arezki Metref et Abdelkader Djemaï.

N. Maouche

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