Smaïl Kessai parle de ses premières années dans la chanson, ses ambitions, ses difficultés, sa vie privée et ses rêves qu’il souhaite réaliser.
La Dépêche de Kabylie : Pour ceux qui ne vous connaissent pas, qui est Smaïl Kessai ?
Smaïl Kessai : Smaïl est un simple amoureux de l’art en général et de la chanson en particulier. Je suis natif du village Houra dans la commune et daïra de Bouzeguene. Je crois en l’amour comme en la vie et en l’espoir qu’il faut savoir malgré tout garder. Comme tous les adolescents des années 1992, la chanson était notre unique moyen d’exprimer nos sentiments les plus interdits dans une société où aimer est un péché. En groupe, on chantait au lycée. Il y avait un chanteur connu à l’époque, c’était Mohand Akli, un ami qui jouait de la guitare. On passait plus de temps à chanter plus qu’à étudier. Notre objectif, au lieu d’être le bac, était de briller dans l’art poétique. Je rédigeais des poèmes et je composais des musiques sans me rendre compte que je réalisais mes premiers pas dans le monde de la chanson. Un ami d’Ihitoussen qui aimait travailler dans l’ombre m’assistait jusqu’au jour où il m’a conseillé d’aller au studio en toute confiance pour enregistrer.
Vous avez enregistré deux CD. Parlez-nous de ces expériences…
Mon premier CD que j’ai commencé à préparer à partir de 2008 n’est sorti qu’en 2010. Il est intitulé «thalith ni», cette époque-là. Ça parle justement de la meilleure période des jeunes qui est le lycée, toutes les histoires d’amour, d’amitié, de joie et de déceptions mêlées que j’ai vécues moi-même. J’ai dit dans mes chansons tout ce qui m’était interdit de dire dans la société. J’essaie comme tous les autres artistes d’éveiller les consciences, d’éclairer certaines choses. On aide les gens à mieux voir et analyser les fléaux sociaux et on propose d’éventuelles solutions.
Le CD comptait 08 titres, il a fait le tour de la Kabylie en dépit du manque de la promotion. La chanson Anazur ou l’artiste raconte la place de celui-ci dans la société. L’artiste qui égaie et éveille le peuple vit souvent, pour beaucoup, en marge de la société.
Quand au deuxième CD intitulé Abrid ntudarth ou le chemin de la vie est sorti en 2014, il compte 12 titres qui parlent d’espérances, d’amour mais aussi de conflits et de luttes. A la base, moi je n’aime pas les chansons tristes. J’aime aider les gens à retrouver leur joie de vivre non le contraire. Dans ce deuxième CD, j’ai travaillé avec des musiciens de la région de Bouzeguene et d’Azazga. Il y a eu même la participation de Karim Abranis avec qui j’ai déjà chanté.
Quel est le rôle de la chanson et du chanteur dans la société ?
Le chanteur tout comme l’enseignant, le journaliste et l’intellectuel ont tous une part de responsabilité dans l’équilibre ou le déséquilibre de la société. L’artiste doit traiter les sujets d’actualité en rapport avec la femme, la jeunesse et l’enfance. Les paroles doivent véhiculer des messages, des valeurs qui peuvent améliorer la situation ou carrément la changer. Nous devons révéler les tristes réalités. Un artiste qui ne dénonce pas les travers et les tares de sa société n’est pas un artiste. L’art dans toutes ses formes doit être intégré dans le programme de l’éducation nationale pour combler le vide socioculturel que vivent la jeunesse et l’enfance algérienne. On doit barrer le chemin aux fléaux sociaux avec la poésie, le théâtre, le dessin et la chanson.
Pensez-vous que les medias aident l’artiste algérien à s’épanouir et à mieux donner ?
La promotion est importante pour l’artiste, seulement dans notre pays, on trouve des difficultés à passer sur les chaines télévisées. La censure n’encourage pas la création artistique. Pour ma part, je souhaiterais voir des émissions là où les animateurs se déplacent dans les villages dans l’espoir de dénicher les vrais talents. On doit encourager et applaudir ceux qui font de la création et non des reprises !
Que dites vous des réseaux sociaux et de la chanson ?
C’est grâce aux réseaux sociaux que certains se distinguent et que même-même je suis connu dans d’autres willaya, au début de mon parcours, notamment Youtube. Mon premier CD s’est vendu en partie grâce à cet outil et c’est sur ce réseau que mes fans me trouvent et me suivent.
En dehors de la chanson que fait Smail Kessai ?
En dehors de la chanson, je suis berger, je prends soin quotidiennement de mes chèvres, de mes moutons et de mes brebis. J’aime la nature et la solitude. Respirer l’air frais m’alimente de courage, de patience et m’inspire. D’ailleurs, je suis en train de préparer un CD intitulé Ameksa, ou le berger. Je raconte ma vie, mon expérience et j’invite à travers cette chanson les gens à revaloriser ce noble métier qui rapporte quiétude, paix intérieur, tranquillité et argent pour ceux qui ont peur de devenir pauvre.
Pour conclure ?
Je tiens tout d’abord à remercier votre journal de m’avoir donné la chance de parler de ma vie, de mon parcours et de mes ambitions. Ensuite je m’adresse à tous les Algériens, les Kabyles en particulier pour leur dire que la plus grande entreprise dans la vie est de semer l’amour, la paix. Le bonheur est, en fait, un état d’esprit. J’informe mon public que je leur donne rendez-vous pour un gala pour les fêtes de fin d’année.
Entretien réalisé par Fatima Ameziane

