La charrue artisanale toujours d'usage !

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La charrue traditionnelle n'a pas encore dit son dernier mot ! Contrairement à ce que l'on penserait, ce matériel traditionnel et artisanal qui sert à labourer les terres, n'a pas encore rejoint la longue liste des anciens équipements désuets et abandonnés à cause de la modernisation.

Pour preuve, cet araire traditionnel demeure toujours d’usage dans les zones montagneuses mais de manière très restreinte. En tout cas, la charrue semble résister encore au temps qui passe en « faisant » un pied de nez aux charrues modernes tractées. Dans la région perchée d’Ath Mellikèche, l’utilisation de l’araire traditionnel est encore de mise, non pas parce que la civilisation n’a pas encore atteint ces contrées, mais pour la simple raison est que les glèbes sont très accidentées et pentues, ce qui fait que la machine ne peut vraiment pas s’adapter à ce relief difficile d’accès. Cela « profite », bien entendu, à la charrue traditionnelle qui est adaptée, en revanche, à tous les terrains. Et puis, l’utilisation de ce matériel ancestral qui nous vient des temps immémoriaux tient aussi une place prépondérante et surtout sentimentale parmi les utilisateurs. Le fait de contempler un paysan tracer des sillons avec la charrue artisanale fait plonger l’observateur dans un passé lointain. La grâce des gestes, les senteurs de terre retournée et l’effort du paysan conjugué à celui de la paire de bœuf donnent du plaisir à voir ! Nous sommes en pleine période de « Lahlal n tyerza » ou ce qui conviendrait d’appeler littéralement le « labour licite ». C’est une période inscrite dans l’ancien calendrier agraire berbère, laquelle s’étale sur 25 jours, et ce, du 27 octobre au 21 novembre de chaque année, et qui marque l’entame de différents travaux champêtres, annonçant ainsi le retour à la terre nourricière après une longue période estivale où le sol est resté en jachère. Durant cette période « licite », les paysans procèdent aux labours, au dressage des taureaux, aux semailles et au nettoyage des oliveraies en vue de l’entame de la campagne d’olivaison. Néanmoins, de nos jours, rares sont ceux qui observent encore les recommandations et les rites enregistrés sur l’ancien calendrier agraire berbère lequel est tombé vraiment en désuétude car remplacé par le Grégorien.

Le village de Rekkas perpétue la tradition

Néanmoins, nombreux sont les fins connaisseurs en agriculture qui vantent les bienfaits et le mérite des charrues traditionnelles lesquelles sont beaucoup plus « entreprenantes » que les charrues mécaniques. L’un des paysans expliquera: » La charrues traditionnelle ne ‘blesse’ pas les racines des arbres. Aussi, on peut labourer sous les arbres facilement sans déterrer les racines, chose que ne peuvent pas effectuer les machines. En plus, les machines ne peuvent pas accéder aux terrains en déclivité, par contre les charrues artisanales sont capables d’arpenter toutes sortes de terrains. Seul inconvénient: avec les charrues traditionnelles, les délais de labour s’étirent…! ». Certes, labourer avec une charrue traditionnelle est laborieux et demande beaucoup de patience et surtout d’énormes efforts. Les tarifs sont vraiment exorbitants, un laboureur avec ce matériel loue ses bras et sa charrue à 4000 da la journée ! Toujours dans la région d’Ath Mellikèche, le ton est donné, ces jours-ci, aux travaux de labourage traditionnel avec cette période de « Lahlal tyerza ». Après les dernières pluies salvatrices, les paysans peuvent retourner leurs terres maintenant qu’elles sont humides et friables. Dans le village de Rekkas, qui relève de la commune d’Ath Mellikèche, le labour avec la charrue et une paire de bœufs est toujours d’actualité. Les cultivateurs qui pratiquent ce procédé ancestral se comptent sur les doigts d’une main, pour ne pas dire ils sont deux ou trois à tout casser ! Cultiver la terre dans cette localité relève de l’abnégation, car les terrains sont en pente et sont assujettis surtout à l’érosion et au glissement, étant donné que la majeure partie des terres de la commune d’Ath Mellikèche sont situées sur les hauteurs des contreforts méridionaux de la chaîne montagneuse du Djurdjura. Mais cela n’empêche pas ces vaillants paysans de cultiver la terre de leurs ancêtres en perpétuant le labourage à la charrue artisanale attelée à une paire de bœufs !

Syphax Y.

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