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Boutouab dans l’isolement

Reclus et enclavé, Boutouab compte parmi les villages les plus excentrés de la commune de Tamokra. Le seul chemin qui le relie au chef lieu de la commune est un parcours cahoteux, truffé d’aspérités et de crevasses. Parcourant en lacets une enfilade de monts et de vallées, la forte déclivité de son tracé donne le tournis aux automobilistes qui l’empruntent. «Quand la pluie et le brouillard se mettent de la partie, surtout à la nuit tombée, il vaut mieux ne pas s’y hasarder, car le danger peut vous surprendre à tout moment», dira à notre adresse un retraité du village, affairé à bichonner ses oliviers. Ici, le temps est comme suspendu et le village est quasi désert. De vieilles masures, lézardées et envahies par des herbes folles, accueillent le visiteur à l’entrée du village. «Boutouab ne retrouve un semblant d’animation qu’à l’occasion de la campagne oléicole. Sitôt la cueillette achevée, il replonge dans sa léthargie», affirme un quadragénaire, qui fait partie de la poignée d’irréductibles demeurés au village. Stoïque et flegmatique, il enchaine : «pour rien au monde je ne pourrai renoncer au patelin qui m’a vu naitre et grandir. Nous avons appris de nos ancêtres à faire preuve d’ingéniosité, en toutes circonstances, et à rester sobre en se contentant de ce que la terre nourricière veut bien nous offrir». À Boutouab, pas l’ombre d’une structure de soins, d’une antenne de mairie ou d’une quelconque structure sportive ou culturelle. Seule l’école primaire, toujours fonctionnelle, rappelle la présence de l’Etat. «Il ne faut pas blâmer les gens qui ont quitté le village pour aller s’installer en ville. Chacun a ses propres raisons, même si la motivation principale reste la recherche du travail», dira un habitant du village. Les efforts d’investissement des pouvoirs publics, à travers notamment la promotion de l’habitat rural financé par le fonds national du logement, n’ont pas contribué à freiner le mouvement d’exode, et encore moins à repeupler le village qui se vide inexorablement. «Les citoyens adhèrent volontiers au programme FONAL pour construire un logement, mais sans pour autant l’habiter», constate un vieillard de Boutouab, subodorant la poursuite de ce mouvement de désertion de la campagne. Preuve s’il en est, diront-ils à l’unisson, que l’on ne pourra pas se sustenter indéfiniment d’amour et…d’air frais !

N Maouche

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